Alliance des Civilisations : l'éducation sera la clef pour éviter de nouvelles "controverses des caricatures"

ONU (Communiqués de presse) - New York,NY,USA  www.un.org

9 février 2006  « Nous ne pouvons plus nous permettre d'ignorer les perspectives des autres populations dans le monde. Notre sécurité économique dépend des personnes avec qui nous n'avons jamais été en contact », affirme un membre du Comité des sages de l'« Alliance des civilisations », après la flambée de violences provoquée par la publication des caricatures du prophète Mahomet.

« Il nous faut arriver au stade où les différentes sociétés possèdent un certain degré de compréhension des inquiétudes et des injustices et même des sensibilités des autres sociétés dans le monde », a déclaré Shamil Idriss, directeur adjoint du Bureau de l'Alliance des civilisations, un groupe de travail créé par le Secrétaire général, pour combattre les divisions entre les cultures, notamment entre le monde musulman et l'occident, qui menacent de manière potentielle la paix dans le monde.

« Ce degré de responsabilité et de complexité fait aujourd'hui très peur. Comment savoir tout ce qui pourrait provoquer de la violence chez les autres. Cela paraît être insurmontable mais il nous faut pourtant y arriver. Il nous faut trouver les chemins qui nous permettront d'apprendre dès le plus jeune âge les différentes perspectives mondiales », a affirmé le directeur, au cours d'un entretien réalisé hier avec le Centre des nouvelles de l'ONU.

« Ce que je trouve très compliqué dans cette affaire c'est d'essayer d'expliquer aux gens les perceptions des différentes communautés. D'un côté il y a la liberté de la presse. Mais il y a aussi la responsabilité qui va avec. En tout cas, rien ne peut justifier cette violence qui n'est pas la solution », a souligné Shamil Idriss.

« Le seul moyen que j'ai trouvé pour expliquer cette controverse à mes amis américains est de comparer les caricatures à des tabous américains. Aux Etats-Unis, brûler des croix provoque des réactions viscérales parce que cela fait référence à l'esclavage et aux lynchages des Noirs américains. Si l'on s'en servait à des fins artistiques, cela provoquerait un tollé parmi la population noire américaine ».

« Ce qui est tabou dans le monde musulman, c'est premièrement, la représentation du prophète Mahomet et, deuxièmement, sa représentation dans une forme aussi violente ».

« Avant même de commencer à penser comment régler ce problème, il faut aider les gens à comprendre d'où vient cette réaction viscérale. Quel impact peuvent avoir ces caricatures sur certaines populations. Après seulement, on peut se demander comment répondre à ce problème. C'est donc d'abord un problème d'éducation », a-t-il estimé.

« Qu'est-ce qui aurait pu être fait au cours des trois mois qui se sont écoulés entre la publication et le début des violences ? Qu'est-ce qui aurait pu être fait différemment au niveau politique, au niveau religieux et au niveau de la société civile pour prévenir ces violences ? Qu'est-ce qui aurait pu être fait avant même la publication de ces dessins ? Peut-être que l'éditeur aurait lui-même pensé que ce n'était pas une bonne idée », a-t-il expliqué.

Le Groupe de haut niveau sur l'Alliance des civilisations, établi par le Secrétaire général, le 14 juillet dernier, devra remettre, avant la fin de l'année, un plan d'action et des recommandations concrètes à l'intention non seulement des décideurs politiques et des leaders religieux mais aussi des Nations Unies et de la société civile.

« Nous travaillons actuellement sur quatre grandes questions : engagement de la jeunesse, l'impact des médias et comment les médias pourraient avoir un impact plus constructif, l'intégration des immigrés et la réforme de l'éducation », a indiqué Shamil Idriss.

Coprésidé par l'ancien directeur général de l'UNESCO, l'Espagnol Frederico Mayor, et un ministre et professeur de théologie turc, Mehmet Aydin, le Groupe de haut a tenu sa première réunion de travail en novembre dernier à Majorque en Espagne (voir notre dépêche du 28 novembre 2006).

La prochaine réunion aura lieu dans 15 jours.

Parmi les 19 membres du groupe de haut niveau, figurent l'ancien président iranien Seyed Mohamed Khatami, l'ancien ministre des Affaires étrangères français Hubert Védrine et le conseiller spécial du roi Mohammed VI du Maroc André Azoulay (voir notre dépêche du 2 septembre 2005 et celle du 14 juillet 2006).

Le président espagnol José Luis Rodriguez Zapatero et le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan sont à l'origine de cette initiative.

Sur les réactions du Secrétaire général dans l'affaire des caricatures, voir notre dépêche d'aujourd'hui et notre dépêche du 7 février 2006 sur la déclaration conjointe de l'ONU, de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) et de l'Union européenne.


Droits fondamentaux

09-02-2006
- 12:32  www.europarl.eu.int

Controverse sur les caricatures : le Président Borrell appelle à la fin des violences et au retour au dialogue
 
Lors de la session plénière qu’ils tiendront la semaine prochaine à Strasbourg, les députés européens débattront de la polémique autour de la publication des caricatures du prophète musulman Mahomet et des violences qu’elles ont déclenchées. Ces évènements seront également discutés en mars par le Parlement européen et ses interlocuteurs des 10 pays méditerranéens, notamment le Liban, la Tunisie, la Syrie et le Maroc.
 
Commentant cette affaire mardi dernier, le Président du Parlement européen, Josep Borrell, a déclaré que « l’Union européenne défend les valeurs sur lesquelles elle s’est construite. La liberté d’expression est l’une de ces valeurs, mais celle-ci doit s’inscrire à l’intérieur des limites du respect des croyances religieuses et des sensibilités culturelles des autres ». Il a demandé que « les violences cessent pour céder la place au dialogue et à la coopération », tout en précisant que « le dialogue, la coopération et le respect mutuel demeurent les piliers de notre alliance des civilisations et le seul moyen de régler les différends entre les protagonistes ».
 
Discussions avec les interlocuteurs méditerranéens en mars
 
Ces caricatures ont tout d’abord été publiées par un journal danois, puis reproduites dans d’autres journaux. Elles ont déclenché, dans le monde musulman, de violentes manifestations anti-danoises qui ont entraîné la mort de plusieurs personnes et des attaques contre des ambassades européennes. M. Borrell a déclaré que la « liberté d’expression doit être exercée de façon responsable, plus particulièrement par ceux qui affirment ses valeurs. Je comprends que, pour de nombreux musulmans, les caricatures qui ont été publiées constituent une offense à leurs croyances ». Mais il a condamné l’usage de la violence et l’incitation à la violence contre des biens et des citoyens de l’Union européenne. Il a également précisé qu’il est inacceptable que ces  publications soient exploitées pour attiser des réactions violentes.
 
Poursuivant son objectif « d’établir le dialogue et l’entente », le président Borrell se rendra dans la ville de Chefchaouen au Maroc, les 10 et 11 février, pour participer à une rencontre réunissant des représentants espagnols et marocains de la société civile.
 
M. Borrell préside actuellement l’assemblée parlementaire euro méditerranéenne (APEM) qui réunit les parlementaires européens et leurs homologues de 10 pays entourant la Méditerranée (Algérie, Maroc, Tunisie, Égypte, Israël, Jordanie, Autorité palestinienne, Liban, Syrie et Turquie). Le bureau de l’APEM a adopté, à l’issue de sa réunion du 6 février à Bruxelles, une déclaration déplorant fermement l’offense faite aux croyances de la communauté musulmane, appelant à un usage responsable de la liberté de la presse et de la liberté d’expression et condamnant le manque de respect à l’égard des religions ainsi que toute incitation à la haine religieuse et tout propos xénophobe ou raciste. Il a également énergiquement condamné l’usage de la violence contre les représentations diplomatiques européennes et appelé au retour à une atmosphère de dialogue paisible et constructif. L’APEM tiendra un débat sur ce thème à l’occasion de sa session des 26 et 27 mars à Bruxelles.


Le Danemark craint que "l'affaire Mahomet" ne provoque des violences intercommunautaires
LE MONDE | 02.02.06 | www.lemonde.fr
COPENHAGUE ENVOYÉ SPÉCIAL

our la seconde fois en quarante-huit heures, les locaux du quotidien danois Jyllands-Posten ont fait l'objet, mercredi 1er février au soir, d'alertes à la bombe à Aarhus, siège du journal, et à Copenhague, où se trouve une partie de la rédaction. Les bâtiments du quotidien qui a publié, le 30 septembre 2005, les douze caricatures du prophète Mahomet ont été évacués. Ces derniers jours, la tension est montée au Danemark. Plusieurs vigiles gardent l'immeuble de Jyllands-Posten à Copenhague. On n'y pénètre que sur rendez-vous, et les visiteurs sont priés d'attendre dans l'entrée qu'on vienne les chercher. Jan Elund, rédacteur en chef du service étranger du quotidien, est fataliste : "Au début, c'étaient des menaces par téléphone. La police a retrouvé deux personnes, qui ont été inculpées. Sinon, nous recevons beaucoup de courriels et de Texto menaçants. Nous donnons tout cela à la police. C'est elle qui a évalué les risques et a décidé de placer des gardes à l'entrée depuis quatre jours, quand tout s'est dégradé à nouveau."

Pour la seconde fois depuis le début de l'affaire, des gardes sont placés en faction devant le journal. Lorsque la polémique avait éclaté, à l'automne 2005, au moins deux des douze dessinateurs avaient dû se cacher. Mais aujourd'hui, "l'affaire Mahomet" — comme on l'appelle dans la presse danoise — a largement dépassé la simple personne des dessinateurs. La crainte d'une escalade et d'affrontements entre les communautés inquiète de plus en plus les autorités.

MENACES D'ATTENTATS

Un journal danois rapportait, jeudi matin, que les compagnies de sécurité sont très sollicitées depuis quelques jours par des clients "nerveux", soucieux de protéger leurs intérêts et leurs employés face aux menaces d'attentats qui ont été lancées contre le Danemark depuis le début de la semaine, après la vague de protestation qui a démarré en Arabie saoudite. La surveillance des principaux bâtiments publics a été renforcée et les patrouilles de police ont été multipliées dans le métro, les gares et partout où des attroupements sont susceptibles de se créer. Durant trois jours, des extrémistes de droite ont appelé par Texto à venir brûler des Coran sur la place de l'hôtel de ville de Copenhague, mercredi après-midi. Sur place, les forces de police étaient au rendez-vous, ainsi que des contre-manifestants, dont des militants d'extrême gauche, mais aucun activiste d'extrême droite ne s'est montré.

A Nörrebro, quartier de Copenhague à forte population immigrée, Khalid Alsubeihi a passé la journée de mercredi à tenter de décourager les jeunes musulmans danois de se rendre sur place pour en découdre. "En ce moment, on travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On ne veut pas des mêmes dérapages que dans les banlieues françaises", explique-t-il. En 1997, ce Palestinien a créé un groupe de pères qui tentent d'aider les jeunes en difficulté à travers des activités sportives : "Les membres de notre réseau sont sur le qui-vive depuis des jours. Nous circulons beaucoup dans le quartier, nous nous alertons dès que nous voyons des groupes se former, nous parlons avec les jeunes." C'est lui qui a prévenu la police des velléités de certains jeunes d'aller stopper par tous les moyens les extrémistes de droite.

Samedi, plusieurs manifestations seront organisées à Copenhague. L'une d'entre elles, à Nörrebro, rassemblera des responsables religieux musulmans et chrétiens, ainsi que des politiques. Ils appellent à se mobiliser pour la tolérance. Presque au même moment, au nord de Copenhague, l'organisation néonazie Front danois organisera une autre manifestation "contre les activités de la cinquième colonne des musulmans habitant (au Danemark)".

Olivier Truc
Article paru dans l'édition du 03.02.06

Dieu, Mahomet et les dessinateurs
LE MONDE | 02.02.06 | 13h55  •  Mis à jour le 02.02.06 | 13h55

lors que la polémique sur les dessins représentant le prophète Mahomet prend de l'ampleur, Le Monde a interrogé huit dessinateurs et caricaturistes. Voici leurs réactions.

Marcel Gotlib, 71 ans, auteur de BD cultes (Gai Luron, Les Dingodossiers, La Rubrique-à-brac, Rhââ Lovely, Hamster jovial et ses louveteaux, Pervers pépère...) prépubliées dans Pilote, L'Echo des savanes ou Fluide glacial, deux magazines dont il est le cofondateur.

"La pire malédiction, c'est de manquer de sens de l'humour. Je trouve dangereux ceux qui veulent interdire ces dessins surtout quand on sait de quoi ils sont capables. Mais je ne veux pas confondre les fanatiques et les autres. Ces dessins ne sont pas méchants. Celui de Kurt Westergaard montrant Mahomet avec son turban en forme de bombe n'est même pas une caricature : si on enlève la mèche, ce pourrait même être un beau dessin. Quand j'ai mis en scène les six dieux dans L'Echo, en 1973, j'avais un peu la trouille, je me suis forcé. Il n'y a eu aucune récrimination, c'était pourtant l'époque de Pompidou. Mais je ne pourrais sans doute plus faire ce genre de BD aujourd'hui."

René Pétillon, 70 ans, auteur de nombreux albums de BD et de dessins dont Le Baron noir, L'Enquête corse, Supercatho, L'Affaire du voile, dessinateur au Canard enchaîné.

"Assimiler l'islam au terrorisme, cela peut faire tousser. Quand on critique les intégristes, tous ces 'délirants' qui brouillent le message d'une religion quelle qu'elle soit, on ne doit pas tomber dans l'amalgame. Il faut cibler et ne pas causer de dommages collatéraux. En attaquant le prophète, on attaque tous les musulmans. Les gens ont le droit de croire en ce qu'ils veulent. Ce que j'attaque, ce sont ceux qui interprètent les religions et qui imposent leurs vues. Pour revenir à ce dessin, il est excessif et devrait être considéré comme insignifiant. Mais il faut aussi se demander pourquoi l'affaire éclate maintenant, alors que les dessins ont été publiés il y a belle lurette."

Cabu, 68 ans, dessinateur de presse, auteur d'une soixantaine de livres (du Grand Duduche à Chroniques papales), collabore à de nombreux titres, dont Le Canard enchaîné et Charlie Hebdo.

"Je pense qu'il n'y a pas de délit de blasphème contre la religion en France. Je suis athée. On peut critiquer toutes les religions. Pour moi, toute religion est débile. Je suis par ailleurs frappé de voir, en ce qui concerne les musulmans, à quel point les modérés ne s'expriment pas et laissent faire des choses terribles en leur nom. En tant que dessinateur, il ne faut pas se laisser faire. On devrait mettre les trois religions les plus répandues dans un seul dessin — un curé, un imam, un rabbin — pour ne pas être accusé de parti pris ! C'est idiot. Les dessins scandinaves mis en cause ne sont pas si terribles. Pour l'élection de Miss Monde au Nigeria, fin novembre 2002, qui avait causé la mort de deux cents personnes au cours d'émeutes provoquées par des islamistes intégristes, j'avais dessiné Mahomet en mafieux, verre de cognac et cigare à la main, en parrain de l'élection de 'Miss sac à patates', dans Charlie Hebdo. J'ignorais qu'on ne pouvait pas représenter l'image du prophète. Mais je ne regrette pas ces dessins, même si le journal a été insulté et menacé. Les dessinateurs, comme les autorités, ne devraient pas présenter d'excuses."

Pierre Sadeq, 68 ans, dessinateur libanais, caricaturiste du quotidien Al-Nahar et de la chaîne de télévision Al-Mustaqbal (Future TV) de la famille Hariri. Chrétien.

"Je traite de tout mais dans le respect des croyances. Je m'amuse des hommes de religion, qu'il s'agisse du patriarche maronite, du secrétaire général du Hezbollah (Hassan Nasrallah, chiite) ou des chefs religieux des communautés chiite et sunnite. Une seule fois, récemment, on m'a laissé entendre du côté du Hezbollah qu'on n'était pas content. Je leur ai expliqué que dès lors que Nasrallah est entré dans l'arène politique, je suis en droit de le caricaturer. Je réprouve les caricatures qui ont été publiées. Je n'irai jamais si loin pour ma part, quelle que soit la religion concernée."

Hassan Bleibel, libanais. Musulman chiite, caricaturiste du quotidien Al-Mustaqbal (Le Futur), de la famille Hariri.

"Je n'ai pas vu les dessins des caricaturistes danois. J'ai tendance à penser qu'il ne faut pas surdimensionner ce genre d'affaires, parce qu'on risque d'aboutir à l'effet contraire si l'objectif est précisément de dire que les musulmans sont intolérants et obtus. Cela étant dit, il existe des sujets sensibles auxquels il faut éviter de toucher en tant que caricaturiste. L'Europe est très sensible à ce qui touche la religion juive. Il n'est donc pas logique qu'elle ne tienne pas compte de la sensibilité des musulmans à ce qui touche à leur religion. L'Occident est certes chrétien, mais les Occidentaux ont pris des distances avec la religion, ce qui n'est pas le cas des musulmans. La liberté d'opinion et d'expression est bien sûr sacrée, mais elle ne doit pas franchir la ligne ténue qui la sépare de l'injure et elle doit obéir à des règles. Il existe une différence entre des hommes de religion et le symbole que peut représenter un prophète pour une religion."

Haddad, 60 ans, français d'origine libanaise, dessinateur à Al-Hayat (journal en arabe édité à Londres) et collaborateur de Courrier international.

"Je suis pour la liberté d'expression et contre la censure. Je suis prêt à me battre pour. Mais je trouve ces dessins très mauvais. La première fois, je les ai trouvés sans intérêt. Pas drôle mais anodins. Et puis j'ai compris qu'ils représentaient le prophète. Mettre une bombe sur la tête d'un intégriste, pourquoi pas ? Moi-même, je dessine contre le terrorisme, contre les intégristes. Mais sur la tête du prophète, qu'est-ce qu'on veut dire ? Un dessin a toujours un message. Là, quel est le message ? Que l'islam est criminel ? Que les musulmans sont criminels ? Affirmer par une caricature que les intégristes sont des arriérés, des obscurantistes, je veux bien. Mais faire la même chose avec le prophète, là encore, c'est un amalgame. Ce sont tous les musulmans qui sont visés. Cela devient du racisme.

Dans le climat actuel, je me demande à qui ça profite. Dans les pays arabes, les laïcs reculent partout. Avec ce genre de scandale, je peux vous assurer que les intégristes doivent se frotter les mains. Je ne suis pas religieux. Mais je ne dessine pas sur la religion. Car je crois que le vrai problème, dans nos pays, c'est l'injustice, la pauvreté, la violence. C'est de ça que se nourrit le terrorisme, pas de la religion."

Glez, 39 ans, franco-burkinabé, directeur de la rédaction de l'hebdomadaire satirique Le Journal du jeudi d'Ouagadougou, collaborateur régulier de Vita (Milan).

"Le principe est simple : la liberté d'expression. Tout peut être représenté. Donc les boycotts, les menaces suscitent mon indignation. Il y a évidemment des limites, celles de la déontologie professionnelle. Mais rien ne permet d'interdire par principe un dessin. La déontologie, cela consiste à éviter l'outrance inutile, l'amalgame, de savoir précisément le message que l'on transmet. Lors d'un forum à Jérusalem, en novembre 2005, nous avons observé que dans les dessins publiés dans la presse palestinienne, certains attaquaient la politique israélienne, parfois très violemment, mais que d'autres proposaient une représentation d'Israël clairement antisémite. Ce n'est évidemment pas la même chose.

Mais le problème avec les religieux, c'est que le message vraiment transmis passe souvent au second plan. J'ai eu plusieurs expériences sur le sujet. Il y a quelques jours, un journal italien m'a refusé un dessin parce qu'il considérait qu'il attaquait trop frontalement le Hamas alors qu'eux estimaient qu'il fallait attendre de voir leur comportement aux affaires. C'est leur droit. Ici, j'ai publié un dessin utilisant l'imagerie catholique pour figurer le chemin de croix du premier ministre, face à un président croqué en Ponce Pilate. J'ai reçu des lettres de religieux me rappelant le précédent de Salman Rushdie. J'ai aussi dessiné un comic strip, Divine comédie, qui raconte les aventures de dieu. Il a été publié dans une dizaine de pays européens, notamment en Pologne. Mon seul problème, je l'ai rencontré aux Etats-unis où le journal qui le publiait a renoncé devant l'avalanche de courrier. Je n'attaquais pas la religion. C'était le principe même de la représentation qui choquait.

Je ne sais pas si le Coran interdit véritablement la représentation de Mahomet. C'est un personnage historique, il appartient à tout le monde. Ce n'est pas comme si on jetait le Coran dans les toilettes."

Jean Plantu, 54 ans, dessinateur au Monde depuis 1972 et à L'Express.

"Il y a de plus en plus une chape de plomb qui tombe sur les dessinateurs de presse et sur les humoristes, quand on parle de religion. On ne se rend pas compte à quel point, hormis l'Eglise catholique sur laquelle on peut taper et qui fait preuve, quoi qu'on en dise, de mansuétude, il est devenu impossible de critiquer les religieux."

Propos recueillis par Nathaniel Herzberg, Yves-Marie Labé et Mouna Naïm
Article paru dans l'édition du 03.02.06
 
Caricatures libres
LE MONDE | 02.02.06 | 13h55  •  Mis à jour le 02.02.06 | 14h19

ouze dessins publiés, le 30 septembre 2005, par le quotidien danois Jyllands-Posten, sous le titre "Les 12 visages de Mahomet", provoquent l'émotion de musulmans et l'ire de pays arabes. L'une de ces caricatures représente la tête du Prophète surmontée d'un turban en forme de bombe. Dalil Boubakeur, qui préside le Conseil français du culte musulman (CFCM), y voit un nouveau signe d'"islamophobie envers les musulmans et leur religion". Sans prendre les proportions de l'affaire Rushdie, l'écrivain qui avait été, en 1988, l'objet d'une fatwa le condamnant à mort pour son interprétation du Coran, la polémique enfle, et des pays arabes ont demandé au Danemark — heureusement en vain — de "sanctionner fermement" les caricaturistes.

Au-delà de l'amalgame, injuste et blessant, entre l'islam et le terrorisme, présent dans quelques dessins, c'est l'interdit de la représentation de Mahomet qui est en cause. Pour l'islam, toute effigie du Prophète relève de l'idolâtrie, et transgresser ce tabou est un blasphème. Dans les démocraties laïques, qui ont pleinement ratifié la Déclaration universelle des droits de l'homme, le seul principe qui vaille est celui de la liberté d'expression dans le respect du droit.

Pour la France, tout est dit dans l'article premier de la Constitution : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances." Les commandements et interdits religieux ne sauraient donc se situer au-dessus des lois républicaines, au risque des pires déviations et inquisitions.

Les religions sont des systèmes de pensée, des constructions de l'esprit, des croyances qui sont respectables mais qui peuvent être librement analysées, critiquées, voire tournées en ridicule. Il en est de même des idéologies politiques. La laïcité républicaine suppose neutralité religieuse et tolérance. Il est donc nécessaire de distinguer les religions et les personnes qui les pratiquent. Celles-ci doivent être protégées contre toute discrimination et contre tout propos injurieux fondé sur l'appartenance religieuse.

Comme pour le racisme, l'antisémitisme, le sexisme et l'homophobie, la liberté d'expression trouve ici ses limites : celles fixées par la loi et par la justice. Ainsi, en 2005, une publicité pour une marque de vêtements, où douze femmes et un homme figuraient dans des poses érotiques la Cène de Léonard de Vinci, avait été blessante pour les chrétiens et interdite d'affichage par les tribunaux.

Un musulman peut être choqué par un dessin, surtout malveillant, de Mahomet. Mais une démocratie ne saurait instaurer une police de l'opinion, sauf à fouler aux pieds les droits de l'homme.

Article paru dans l'édition du 03.02.06


Caricatures de Mahomet : le propriétaire de "France Soir" renvoie son directeur de la rédaction
LEMONDE.FR | 02.02.06 | 08h57  •  Mis à jour le 02.02.06 | 12h40

a décision n'aura pas traîné. Le jour même de la reproduction dans les pages de France Soir des 12 caricatures représentant Mahomet – à l'origine déjà d'une importante controverse au Danemark –, le propriétaire du quotidien, l'homme d'affaires franco-égyptien, Raymond Lakah, a renvoyé, mercredi 1er février au soir, son directeur de la publication, Jacques Lefranc, nommé en septembre 2005 à la tête du quotidien.
 
Dans un communiqué, M. Lakah, patron de Montaigne Press, société qui détient la majorité de Presse Alliance (éditrice de France Soir), indique avoir "décidé de révoquer Monsieur Jacques Lefranc de sa fonction de président et directeur de la publication en signe fort de respect des croyances et des convictions intimes de chaque individu". "Nous présentons nos regrets auprès de la communauté musulmane et de toutes personnes ayant été choquées ou indignées par cette parution", ajoute-t-il. "Monsieur Eric Fauveau, directeur général de Presse Alliance, assurera en intérim les fonctions de président et directeur de la publication", poursuit le communiqué.

Suite à ces publications, deux groupes armés palestiniens ont menacé de "prendre pour cible"  tout Français, Norvégien et Danois dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Dans un communiqué, les Comités de la résistance populaire et le "commandement commun" des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa demandent la fermeture "des bureaux et consulats en Palestine des trois pays concernés, sinon nous n'hésiterons pas à les détruire". Un porte-parole des Comités de la résistance populaire, qui s'est présenté sous le nom d'Abou Moujahid, a confirmé par téléphone à l'AFP de prendre ces menaces au sérieux en précisant qu'elles seraient élargies à tous les pays qui publieraient ces caricatures. Ces deux groupes appellent également à un boycottage des produits français, danois et norvégiens : "Nous mettons en garde les commerçants et tous ceux qui vendent des produits de ces trois pays."  Dans la foulée, le gouvernement norvégien a annoncé jeudi la fermeture au public de sa représentation en Cisjordanie.

"AU SECOURS VOLTAIRE, ILS SONT FOUS"

Seul journal français à avoir publié ces caricatures, reproduction de celles du journal danois Jyllands-Posten, avec en titre de "une" : "Oui, on a le droit de caricaturer Dieu", France Soir précisait mercredi en éditorial qu'"il n'y a dans les dessins incriminés aucune intention raciste, aucune volonté de dénigrement d'une communauté en tant que telle".

Dans son édition du jeudi 2 février, France Soir revient sur la polémique suscitée par la reproduction de ces dessins. Il y défend le droit de la presse à railler n'importe quelle croyance religieuse. Dès sa "une", France Soir clame : "Au secours Voltaire, ils sont devenus fous !" au-dessus d'une photo montrant trois hommes brûlant un drapeau danois. Dans ses pages intérieures, le quotidien s'interroge : "Intolérance religieuse ou laïcité ?" et explique son choix dans un encadré intitulé : "Réponses à quelques questions." Puisque "l'Islam interdit à ses fidèles toute représentation du Prophète (...), la question qui se pose est la suivante : tous ceux qui ne sont pas musulmans sont-ils tenus de se conformer à cet interdit ?" "Imagine-t-on une société où l'on additionnerait les interdits des différents cultes ? Que resterait-il de la liberté de penser, de parler et même d'aller et venir ? Ces sociétés-là, nous les connaissons trop bien. C'est par exemple l'Iran des mollahs. Mais c'était hier la France de l'Inquisition, des bûchers, de la Saint-Barthélemy" [massacre des protestants en 1572], assure le journal.

"La liberté religieuse, c'est la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer un culte en toute quiétude. Mais jamais elle ne saurait se transformer en liberté d'imposer à toute la société les règles relevant d'une seule conviction"
, affirme encore le quotidien qui promet à ses lecteurs de continuer à user de la liberté d'expression, "au nom de la République et de ses valeurs". Par contre, France Soir, qui reproduit également des illustrations qui ont choqué les Eglises chrétiennes dans le passé, ne mentionne à aucun moment les changements dans sa direction.

France Soir, qui fut dans les années 1960 le premier quotidien français avec un tirage de près de 1,3 million d'exemplaires, est placé depuis octobre 2005 en redressement judicaire et cherche des repreneurs. Son tirage quotidien est tombé à 45 000 exemplaires.

Avec AFP

« monde arabo-musulman »
Le numéro controversé de "France Soir" interdit au Maroc et en Tunisie

Le Maroc a interdit mercredi l'entrée sur son territoire du journal France Soir "en raison de la publication par ce quotidien français de caricatures du prophète Sidna Mohammed sous des prétextes fallacieux de la défense de la liberté de la presse", a indiqué le ministère de la communication marocain. Le ministère a souligné que l'interdiction de France Soir "intervient en raison du caractère intentionnellement outrageant [des caricatures] à la personne du Prophète et du fait qu'elles représentent une provocation patente et gratuite pour les croyances des musulmans".

En Tunisie, le quotidien a également été saisi mercredi par le ministère de l'intérieur et du développement local "en application des dipositions du code de la presse". "Le contenu est offensant pour les musulmans et outrageant pour la noble personne du Prophète", a indiqué l'agence officielle TAP.



La polémique sur les caricatures de Mahomet s'invite en France
LEMONDE.FR | 01.02.06 | 18h20  •  Mis à jour le 01.02.06 | 18h37

u nom de la liberté d'expression", France Soir a été le premier journal en France à reproduire, mercredi 1er février, la série de caricatures du Prophète publiée par la presse danoise et qui ont provoqué l'ire des pays arabes et musulmans dans le monde.

Sous le titre "Oui, on a le droit de caricaturer Dieu", le quotidien français publie en "une" un dessin représentant Bouddha, Yahvé, Mahomet et Dieu sur un nuage. Ce dernier s'adresse au prophète musulman avec ces mots : "Râle pas Mahomet, on a tous été caricaturés ici." Les douze dessins incriminés sont publiés en pages intérieures. L'une des caricatures montre le Prophète coiffé d'un turban en forme de bombe. Une autre représente un mollah arrêtant un flot de candidats à l'attentat-suicide. "Nous sommes en rupture de stock de vierges", leur explique-t-il.

"Assez des leçons de ces bigots rétrogrades ! Il n'y a dans les dessins incriminés aucune intention raciste, aucune volonté de dénigrement d'une communauté en tant que telle", estime le rédacteur en chef du quotidien, Serge Faubert, dans un éditorial intitulé "Intolérance". "Protéger la liberté religieuse ne veut pas dire acquiescer aux principes d'une religion. Ce n'est pas parce que le Coran interdit la représentation de Mahomet qu'un non-musulman doit s'y soumettre", souligne-t-il.

La publication de cette série de caricatures par le journal norvégien Magazinet et le quotidien conservateur danois Jyllands-Posten a provoqué un raz de marée de protestations dans le monde musulman, avec menaces de boycott de produits danois et convocation d'ambassadeurs à la clef. La raison en est que toute représentation humaine, par le dessin et a fortiori la caricature, est interdite par les théologiens les plus traditionnalistes de l'islam sunnite, majoritaire dans le monde. Les chiites, une autre branche de l'islam, appliquent cette interdiction seulement pour le prophète Mahomet, mais pas aux grands imams du mouvement, dont Ali et ses deux enfants, Hassan et Hussein. Face à l'ampleur des protestations, Jyllands-Posten a fini par présenter des "excuses" aux musulmans du monde entier, alors que le gouvernement danois a tenté à plusieurs reprises de calmer le jeu sur le plan diplomatique.

"C'EST ODIEUX"

La publication par France Soir de ces caricatures n'a pas manqué de provoquer des réactions similaires au sein de la communauté musulmane."C'est odieux, nous désapprouvons totalement cela, c'est une vraie provocation vis-à-vis des millions de musulmans en France", a déclaré Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et recteur de la grande mosquée de Paris. Parmi les composantes du CFCM, la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) et l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) ont annoncé qu'elles étudiaient le lancement d'une procédure judiciaire.

Des responsables du gouvernement, à l'instar de M. Copé, ont défendu le droit à la "liberté d'expression" tout en soulignant que cette "liberté doit s'exercer, dans un esprit de tolérance et de respect des croyances de chacun". "Les caricatures publiées ce jour dans France Soir n'engagent que la responsabilité du journal qui les a publiées", a précisé le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi.
 

Le Monde.fr avec AFP et Reuters

Le précédent de "Charlie Hebdo"

En 2002, le journal satirique Charlie Hebdo s'est également attiré les foudres de certains musulmans en France en publiant une caricature de Mahomet flanqué de deux femmes voilées, un cigare et un verre de vin à la main, à l'occasion de la remise des prix des Miss Monde au Nigeria, une cérémonie qui avait provoqué de violentes émeutes qui ont fait de nombreux morts dans le pays.

Mais les "menaces et injures" proférées à l'époque contre le journal sont sans "commune mesure" avec l'ampleur du scandale d'aujourd'hui, selon Liliane Roudière, une responsable du journal, qui l'attribue au contexte international tendu. "Nous recevions néanmoins des dizaines de lettres de menaces par jour, nos boîtes email étaient submergées et des sites islamistes ont appelé à la mobilisation contre nous", se souvient-elle. Mais aucune réaction des pouvoirs publics ni des instances officielles religieuses ou communautaires musulmanes en France. La rédaction de l'hebdomadaire se réunira, le 2 février, pour fixer une ligne de conduite éditoriale face aux événements d'aujourd'hui, selon Mme Roudière. (Propos recueillis par Alexandre Lévy.)


Caricatures : ultimatum contre la France

 Les Comités de la résistance populaire et le « commandement commun » des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa ont menacé jeudi de « prendre pour cible tout Français, Norvégien et Danois » dans la bande de Gaza et en Cisjordanie ».

AFP
Avec AFP
[02 février 2006] www.lefigaro.fr
 
« Nous donnons aux gouvernements danois, français et norvégien 48 heures pour présenter des excuses » ont menacé deux groupes armés palestiniens jeudi. La protestation contre la publication des caricatures du prophète Mahomet dans la presse européenne prend une tournure plus violente, alors que les dessins incriminés continuent à paraître.
La protestation contre la publication des caricatures du prophète Mahomet dans la presse européenne prend une tournure plus violente.

Les Comités de la résistance populaire et le « commandement commun » des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa ont menacé jeudi de « prendre pour cible tout Français, Norvégien et Danois » dans la bande de Gaza et en Cisjordanie » et ont posé un ultimatum peu rassurant : « Nous donnons aux gouvernements danois, français et norvégien 48 heures pour présenter des excuses ». Les activistes ont également tagué les mots « fermés jusqu’à la présentation d’excuses » sur la porte du bâtiment de l’UE à Gaza et encerclent l’immeuble.

Si le ministère français des Affaires étrangères a réitéré ses recommandations aux Français de ne plus se rendre dans la bande de Gaza, la Norvège a fermé sa représentation en Cisjordanie.

En Irak, des fidèles chiites ont exprimé leur fureur en piétinant des drapeaux danois dessinés dans des ruelles menant au mausolée de l'imam Ali, dans la ville sainte de Najaf. Au Pakistan, des manifestants islamistes ont brûlé des drapeaux danois et français ainsi qu'une effigie du Premier ministre danois, aux cris de « Mort au Danemark ».

« Jeter de l’huile sur le feu »

Le monde arabe tout entier manifeste sa colère. Car selon la religion musulmane, il est interdit de représenter le prophète. Publiées sous le titre «les visages de Mahomet», les caricatures montrent notamment sa tête surmontée d'un turban en forme de bombe. L’indignation est à son comble.

Une indignation attisée par la publication répétée des dessins dans la presse. «Le fait pour d'autres journaux européens de republier ces caricatures ne fait que jeter de l'huile sur le feu de l'insulte initiale», selon le commissaire européen pour le Commerce, Peter Mandelson.

A l’inverse, avant que la société éditrice ne décide de retirer tous les exemplaires du marché, le rédacteur en chef d’un tabloïd jordanien avait choisi de les reproduire pour appeler les musulmans à travers le monde à la « raison ».

France Soir avait la même intention en publiant les caricatures mercredi. Depuis, le journal est interdit au Maroc et en Tunisie, et le directeur de la publication a été limogé. Une décision par ailleurs contestée par les salariés du journal. Jeudi soir, moins de 24 heures après sa nomination au poste de directeur de la publication par intérim, Eric Fauveau a démissionné.

Le quotidien Libération publiera vendredi deux des dessins controversés, que la BBC n’a pas hésité à diffuser jeudi dans ses journaux télévisés, expliquant qu'elle entendait ainsi «aider ses auditeurs à comprendre les sentiments violents suscités par cette histoire».

Si le rédacteur en chef du journal danois Jyllands-Posten, à l’origine de l’affaire, s'est réjoui de la solidarité de ses confrères européens, le ministre danois des Affaires étrangères juge que la publication des caricatures controversées « renforce encore le boycottage des produits danois ».

Un boycottage qui coûte cher aux salariés de la société danoise Arla Foods, deuxième exportateur européen de produits laitiers, qui a décidé de licencier 125 personnes. Une porte-parole du groupe a indiqué jeudi : «Nos ventes dans les pays arabes sont complètement arrêtées depuis samedi et nos perdons 10 millions de couronnes danoises par jour».


Caricatures de Mahomet: une semaine de polémique

10 janvier 2006: Quatre mois après leur première publication dans un grand quotidien danois, douze caricatures du prophète Mahomet sont reprises par le magazine chrétien norvégien Magazinet.
Publiées sous le titre «les visages de Mahomet», elles montrent notamment la tête du prophète surmontée d'un turban en forme de bombe.
La religion musulmane interdisant toute représentation de Mahomet, une vive polémique voit le jour. Deux jours plus tard, le rédacteur en chef du journal reçoit des menaces de mort. AFP


Le quotidien populaire France Soir a été jusqu'ici le seul quotidien français à publier mercredi les 12 caricatures à l'image supposée du prophète Mahomet.

Avec AFP  [02 février 2006]

Caricatures de Mahomet : le directeur de France Soir limogé

Le propriétaire du quotidien populaire français a renvoyé Jacques Lefranc suite - c'est la version officielle - à la publication mercredi des caricatures danoises du prophète, très controversées dans les pays musulmans. Jacques Lefranc se «réserve la faculté de contester cette décision».
Raymond Lakah, homme d’affaires franco-égyptien et propriétaire de France Soir, a décidé mercredi soir « de révoquer Monsieur Jacques Lefranc de sa fonction de Président et Directeur de la Publication (de France Soir) en signe fort de respect des croyances et des convictions intimes de chaque individu ». La décision du journal de publier les caricatures de Mahomet provenant du journal danois Jyllands-Posten avait suscité la protestation de plusieurs responsables religieux en France. Jacques Lefranc, a quant à lui estimé jeudi que cette décision lui «parait contestable sur la forme et sur le fond».

Le patron de Montaigne Press, la société qui détient la majorité de Presse Alliance, éditrice de France-Soir a indiqué que « Monsieur Eric Fauveau, Directeur général de Presse Alliance, assurera en intérim les fonctions de Président et Directeur de la publication à partir de ce soir (mercredi) à 20 h 30 ».

M. Lakah présente ses regrets

Le quotidien populaire France Soir a été jusqu'ici le seul quotidien français à publier mercredi les 12 caricatures à l'image supposée du prophète Mahomet avec en titre de « Une »: « Oui, on a le droit de caricaturer Dieu ». L'éditorial précisait qu'« il n'y a dans les dessins incriminés aucune intention raciste, aucune volonté de dénigrement d'une communauté en tant que telle ».
M. Lakah a également présenté « (ses) regrets auprès de la communauté musulmane et de toutes personnes ayant été choquées ou indignées par cette parution ».

Licencié pour d'autres raisons?

Un représentant syndical a fait part de sa « stupéfaction ». France Soir étant en redressement judiciaire depuis octobre 2005, l'interlocuteur des administrateurs provisoires est justement le directeur de la publication. Or Eric Fauveau, désigné par Raymond Lakah pour remplacer Jacques Lefranc, a lui-même déposé une offre de reprise du quotidien. Il se trouve donc, du fait de la décision de M. Lakah, à la fois juge et partie, d'une part pour étudier la pertinence des offres de reprise, d'autre part comme possible repreneur.

« Au secours Voltaire, ils sont devenus fous !»

Dans son édition de jeudi, France Soir a défendu le droit de la presse à railler n'importe quelle croyance religieuse. « Au secours Voltaire, ils sont devenus fous !» titrait la Une, au dessus d'une photo montrant des fidèles brûlant un drapeau danois. Le journal français demande puisque « l'Islam interdit à ses fidèles toute représentation du Prophète... la question qui se pose est la suivante : tous ceux qui ne sont pas musulmans sont-ils tenus de se conformer à cet interdit? »

« La liberté religieuse, c'est la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer un culte en toute quiétude. Mais jamais elle ne saurait se transformer en liberté d'imposer à toute la société les règles relevant d'une seule conviction» affirme encore le journal qui promet à ses lecteurs de continuer à user de la liberté d'expression, « au nom de la République et de ses valeurs ».

« Une logique liberticide »

Le sénateur UMP de la Sarthe François Fillon s'est déclaré sur i-télé «très choqué» par la décision « préoccupante » du propriétaire de France Soir. « La montée de ce fondamentalisme musulman, de cet intégrisme, de cette intolérance est extrêmement dangereuse, extrêmement grave », a ajouté l'ancien ministre.

De son côté, le député UMP de Paris Pierre Lellouche a affirmé que « quand on arrive à sanctionner de manière aussi brutale un journaliste, on rentre dans une logique liberticide, et on ne rend pas service à la communauté musulmane ».


Appels au calme à travers le monde

Avec AFP  [02 février 2006]
Reporters sans frontières demande à l’Occident de jouer l’apaisement, tandis qu’un hebdomadaire jordanien reproduit trois des caricatures controversées avec le titre « Musulmans du monde, soyez raisonnables ».
Face à la vague de protestations qu’a suscité la parution dans plusieurs journaux européens de caricatures de Mahomet, l’association Reporters sans frontières a lancé « un appel au calme et à la raison ».

« Dans l'affaire actuelle, il est nécessaire de ramener les faits à leur juste dimension. Les journaux qui ont publié ces caricatures appartiennent à des pays où la religion relève de la sphère privée : dans cette tradition, la liberté religieuse va de pair avec une liberté d'expression qui inclut le droit de brocarder les convictions que l'on ne partage pas. Il est également nécessaire de rappeler que, dans ces mêmes pays, la presse est indépendante des pouvoirs en place. Ses prises de position, ses choix éditoriaux n'engagent qu'elle et donc, en aucune manière, les autorités de ces pays ou leurs concitoyens », affirme l’association dans un communiqué.

Reporters sans frontières « appelle les responsables politiques et religieux des pays musulmans ainsi que la presse du monde arabe à tout faire pour calmer les esprits, de manière à entamer un débat sur les conceptions des uns et des autres ». RSF demande aussi « à chacun en Occident de jouer l'apaisement et d'éviter ce qui peut être vécu comme des provocations inutiles ».

« Les gens attaquent des dessins qu'ils n'ont pas vus »

Pour appeler les musulmans à la « raison », le tabloïd jordanien Shihane a reproduit jeudi trois des caricatures controversées. Sous le titre « Musulmans du monde, soyez raisonnables », le rédacteur en chef, Jihad Momani, signe un éditorial où il se demande : « Qu'est ce qui porte plus préjudice à l'islam, ces caricatures ou bien les images d'un preneur d'otage qui égorge sa victime devant les caméras, ou encore un kamikaze qui se fait exploser au milieu d'un mariage à Amman? ».

Momani affirme avoir « publié volontairement ces caricatures pour que les gens sachent contre quoi ils se révoltent ». Selon lui, « les gens attaquent des dessins qu'ils n'ont pas vus. Qu'est ce qui nous empêche donc de les leur montrer ? ».

Cette crise « devrait servir de leçon »

A Londres, un eurodéputé britannique musulman a émis l'espoir jeudi que l'affaire conduirait les communautés à développer leur dialogue. Selon lui, cette crise « devrait servir de leçon, tant à la communauté musulmane qu'aux journaux, pour bâtir à l'avenir de meilleures relations entre les communautés ».

« Notre planète trop petite pour les controverses »

« Dans un but d'apaisement », l'ambassadeur du Danemark à Paris a été reçu jeudi matin par le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, à la mosquée de Paris.

« Notre rendez-vous s'est déroulé dans une ambiance tout à fait chaleureuse avec un seul but : apaiser les esprits ». « Nous avons constaté tous les deux que notre planète est devenue trop petite pour les controverses », a conclu le diplomate danois.


Les responsables religieux français réagissent

AFP [02 février 2006]
A l’instar de Dalil Boubakeur qui considère la publication des caricatures dans France Soir comme une « provocation », le grand rabbin Joseph Sitruk « partage » la colère des musulmans.
Le grand rabbin de France Joseph Sitruk «partage» la colère des musulmans. S'exprimant jeudi à l'issue d'un entretien avec le Premier ministre Dominique de Villepin, il dit comprendre les réactions d'hostilité dans le monde musulman après la publication des caricatures du prophète. « On ne gagne rien à rabaisser les religions, à les humilier et à en faire des caricatures. Je pense que c'est un manque d'honnêteté intellectuelle et un manque de respect », a-t-il déclaré.

En recevant l'ambassadeur du Danemark à la mosquée de Paris, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) Dalil Boubakeur a insisté sur la nécessité de ne pas déformer l'image de l'islam en France. «La liberté d'expression ne peut être la liberté de raconter des mensonges », a –t-il martelé. Le prophète n'a pas fondé une religion terroriste, mais au contraire une religion de paix. Nous tenons infiniment à cette image et nous n'acceptons pas qu'elle soit déformée ».

Mercredi, les responsables des principales religions en France avaient critiqué la publication des caricatures dans les colonnes de France Soir. Dalil Boubakeur avait déjà qualifié cette démarche de « vraie provocation » envers les quelque 5 millions de musulmans qui vivent en France.

Un sentiment partagé par les dignitaires chrétiens et juifs, qui s’étaient également émus de la parution des dessins. Le père Jean-Marie Gaudeul, responsable du Secrétariat pour les relations avec l'islam, a souligné que « notre société est bâtie sur le respect de l'autre: le désaccord peut construire, la dérision tue », a-t-il déclaré.

« Nous condamnons cette bassesse de très mauvais goût », a déclaré pour sa part Mgr Pierre Whalon, évêque de l'Eglise épiscopalienne (anglicans américains) pour l'Europe. « En principe, le rire a tous les droits », a rappelé le pasteur protestant Jean-Pierre Molina, « mais cela ne veut pas dire qu'il est loisible à quiconque de débiter des insultes qui atteignent brutalement de pauvres gens dans leur foi ». Pour le rabbin Michel Serfaty, co-président de l'Amitié judéo-musulmane de France (AJMF), cette publication était une « provocation inutile, une maladresse dont on se passerait volontiers ».
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Caricatures de Mahomet: Ben Ali prône la mesure

AP | 02.02.06 | 21:05

TUNIS (AP) -- Le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, faisant allusion aux caricatures de Mahomet qui ont provoqué de vives réactions dans le monde, a condamné jeudi à la fois les extrémistes religieux et ceux qui se moquent de la religion.
Dans un discours au corps diplomatique accrédité à Tunis, à l'occasion de la cérémonie traditionnelle de présentation des voeux du nouvel An, il a appelé au "bannissement de l'extrémisme et de la violence ainsi que de toutes attitudes et formes d'expression qui nuisent aux symboles et sanctuaires religieux".
Il a néanmoins avancé que "la Tunisie continuera d'oeuvrer en faveur de la propagation des principes de modération et de juste milieu et apportera son soutien au dialogue des civilisations et des religions, dans le sens de la consécration de la sécurité et de la paix internationales".
Les autorités tunisiennes ont saisi mercredi le numéro du quotidien parisien "France-Soir" en date du 1er février, qui reproduit les caricatures du prophète Mahomet jugées blasphématoires par des musulmans, selon une source officielle à Tunis.
L'agence de presse officielle TAP affirme que cette décision a été prise par le ministre tunisien de l'Intérieur et du Développement local, Rafik Belhaj Kacem, "en application des dispositions du Code de la presse", en raison du "contenu offensant pour les musulmans et outrageant pour la noble personne du prophète".
Les caricatures litigieuses, au nombre d'une douzaine, ont été publiées le 30 septembre par le quotidien danois "Jyllands-Posten" et ce mois-ci par un journal norvégien. Sur l'une d'elles, Mahomet porte un turban en forme de bombe dont la mèche est allumée. AP

 


En revenir à la raison

vendredi 03 février 2006, 19:30 Bruxelles www.lesoir.be

Le chef religieux des musulmans de Bosnie affirme que l'Europe est malade d'islamophobie, tout en qualifiant d'erreur les protestations violentes de musulmans contre la publication de caricatures du prophète Mahomet. La présidence autrichienne de l'UE demande, quant à elle, d'en revenir à des comportements raisonnables.

Le chef religieux des musulmans de Bosnie a affirmé vendredi que l'Europe était "malade d'islamophobie", tout en qualifiant d'"erreur" les protestations violentes de musulmans contre la publication en Europe de caricatures du prophète Mahomet.

L'attitude de l'Europe à l'égard de la plus haute valeur des musulmans, exprimée par un journal danois marginal, n'aurait même pas méritée d'être prise en compte si elle ne dissimulait quelque chose de très dangereux: la haine envers l'islam et les musulmans, a déclaré le mufti Mustafa Ceric dans son prêche à la principale mosquée de Sarajevo.

Le mufti a estimé que les musulmans européens avaient le droit de poser la question de savoir pourquoi les manifestations antisémites sont interdites mais pas celles à caractère anti-islamiques. Il a ajouté que l'"islamophobie" était une "maladie" de l'Europe, qui devait être "soignée". Mais le mufti Ceric a également condamné les manifestations violentes de musulmans, notamment au Pakistan et en Indonésie, après la publication de ces caricatures.

Certains musulmans ont aussi fait des erreurs. Notre Prophète ne peut pas être défendu avec un grand bruit qui couvre les messages de paix et de confiance mutuelle, a-t-il martelé. La vraie défense de notre Prophète doit suivre sa voie, c'est-à-dire par des messages de paix, de compréhension, d'amour, de confiance, de vérité et de justice entre les peuples et les nations, a souligné le mufti. Les musulmans représentent environ 40% des 3,8 millions de Bosniaques.

Une escalade préoccupante

De son côté, la présidence autrichienne de l'Union européenne s'est dite "préoccupée par l'escalade constatée" dans l'affaire des caricatures du prophète Mahomet. "

Nous sommes préoccupés par l'escalade que nous avons constatée, a déclaré le ministre autrichien des Affaires étrangères, Ursula Plassnik, à l'issue d'entretiens avec son homologue chinois, Li Zhaoxing, à Vienne. Il est grand temps de revenir à des comportements raisonnables, a-t-elle ajouté, sans autre commentaire.

Mercredi, Mme Plassnik avait condamné des déclarations et des activités qui dénigrent une religion de manière offensante. Sur la base de notre respect pour les sentiments religieux nous estimons que le dialogue est le meilleur instrument pour promouvoir le respect mutuel, avait-elle dit devant le Conseil permanent de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe à Vienne.


La colère croissante du monde musulman

vendredi 03 février 2006, 15:41 Bruxelles www.lesoir.be

En Indonésie, nation musulmane la plus peuplée au monde, quelques centaines de fondamentalistes ont manifesté vendredi devant les locaux de l'ambassade du Danemark à Jakarta, au cri de Partons pour le "jihad"!

Le monde occidental, embarrassé, tente de désamorcer la colère des musulmans née de la publication de caricatures de Mahomet, sans donner l'impression de transiger sur le principe de liberté d'expression, avant les grandes prières du vendredi.

Beaucoup de choses dépendront de ce qui se passera quand les imams feront leurs prières du vendredi, a prévenu le ministre danois des Affaires étrangères Per Stig Moeller. C'est la publication le 30 septembre par le quotidien danois Jyllands-Posten de 12 dessins satiriques du prophète Mahomet (dont la religion musulmane interdit la représentation) qui a suscité la colère dans de nombreux pays musulmans.

Un influent religieux qatari d'origine égyptienne, cheikh Qardaoui, a appelé ses coreligionnaires à observer vendredi une journée internationale de colère pour protester contre ces offenses qui ont malheureusement été reprises et publiées par d'autres journaux dans plusieurs pays européens, notamment en France et en Allemagne.

Le monde musulman a déjà été le théâtre de plusieurs manifestations de colère, qui ont cependant été loin d'avoir un caractère de masse. En Indonésie, nation musulmane la plus peuplée au monde avec 220 millions d'habitants (90% de musulmans), quelques centaines de fondamentalistes ont manifesté vendredi devant les locaux de l'ambassade du Danemark à Jakarta, au cri de Partons pour le "jihad" (guerre sainte, ndlr) !.

La veille au soir, une trentaine de manifestants armés liés au mouvement palestinien Fatah s'étaient rassemblés devant le Centre culturel français à Gaza, avertissant qu'ils feraient payer un prix très fort pour toute atteinte (au) prophète Mahomet. En Jordanie, le journal populaire à grand tirage qui avait reproduit jeudi trois des caricatures controversées en appelant les musulmans à la "raison" a été retiré du marché par sa société éditrice.

Face à cette levée de boucliers dans le monde musulman, l'embarras était perceptible au sein des médias occidentaux. Certes, en France, le quotidien France Soir, premier titre de ce pays à avoir publié mercredi certains des dessins controversés, campait vendredi sur ses positions, considérant que la polémique montrait combien (il avait eu) raison de sonner le tocsin sur la défense de la liberté d'expression.

Si Libération a finalement publié vendredi deux des dessins danois et consacré un dossier de six pages à l'affaire, le quotidien révèle que c'est à l'issue d'un débat interne, pour défendre la liberté d'expression, tout en prenant ses distances avec les croquis que nous n'aurions jamais acceptés en temps normal.

Le Figaro explique son refus de publier les caricatures par le fait que l'autocensure peut se révéler nécessaire car ce que la loi autorise, la conscience l'interdit parfois. L'espagnol El Pais choisit de son côté de mettre à sa Une un dessin de Plantu, publié la veille par le Monde, plutôt que les croquis danois.

Quant au quotidien de référence portugais Publico, il reproduit trois des douze caricatures pour, dit-il, informer ses lecteurs sur la polémique qui agite le monde musulman, sans vouloir faire de provocation. Aux Etats-Unis, si la chaîne de télévision ABC a diffusé jeudi soir dans son journal des images des caricatures, d'autres, comme CNN ou NBC, ont choisi de les "flouter" ou de ne les diffuser que sur leur site internet.

Tandis que le quotidien danois à l'origine de la polémique a déjà présenté des excuses, le Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen s'est dit jeudi soir profondément peiné par le fait que beaucoup de musulmans ont vu les dessins dans le journal danois comme une diffamation du Prophète Mahomet.

La ministre autrichienne des Affaires étrangères dont le pays préside actuellement l'UE, Ursula Plassnik, a déclaré jeudi soir que Vienne condamnait des déclarations et des activités qui dénigrent une religion de manière offensante. L'onde de choc a atteint jusqu'aux Nations unies, dont le secrétaire général Kofi Annan a jugé que la liberté de la presse doit toujours s'exercer d'une manière qui respecte pleinement les croyances et les principes de toutes les religions.



Londres, Paris et Washington tentent de désamorcer l'affaire des caricatures de Mahomet
 
LEMONDE.FR | 03.02.06 | 21h16  •  Mis à jour le 03.02.06 | 21h23

a publication de caricatures de Mahomet dans la presse de plusieurs pays européens a décuplé la colère des musulmans, qui ont encore manifesté par milliers dans le monde, de Gaza à l'Indonésie. Face à ce tollé, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont appelé, vendredi 3 février, à plus de responsabilité et de respect envers les sentiments religieux, mettant, à des degrés divers, un bémol à leurs discours sur la défense de la liberté de la presse alors que les autorités de Copenhague sont restées fermes sur leurs positions.

A l'occasion d'un entretien avec le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, Jacques Chirac "a rappelé que la France, pays de laïcité, respecte toutes les religions et toutes les croyances", selon un communiqué de l'Elysée. "Il a également rappelé que le principe de la liberté d'expression constitue un des fondements de la République." Le président de la République "appelle donc chacun au plus grand esprit de responsabilité, de respect et de mesure pour éviter tout ce qui peut blesser les convictions d'autrui", selon la même source.

La presse française ne s'est pas censurée dans cette affaire. Plusieurs quotidiens ont reproduit les caricatures publiées d'abord dans un quotidien danois, notamment France Soir et Libération. Des hebdomadaires comme Le Nouvel Observateur ou Charlie Hebdo ont publié ces caricatures ou vont le faire.

De l'autre côté de la Manche, la prudence est de mise tant du côté du pouvoir que de la presse. La Grande-Bretagne s'est désolidarisée des pays où les caricatures ont été publiées, jugeant que cela témoignait d'un "manque de respect". "Je pense que la nouvelle publication de ces caricatures n'était pas nécessaire. Elle a été indélicate et témoigne d'un manque de respect", a estimé le ministre des affaires étrangères britannique, Jack Straw, qui juge que les journaux "ont eu tort". "Il y a la liberté de la presse, nous la respectons tous. Mais il n'y a pas d'obligation d'insulter ou d'être gratuitement incendiaire", a-t-il ajouté. M. Straw a rendu hommage à la "responsabilité" et à la "délicatesse" des médias britanniques, dont aucun n'a publié les images, à l'exception de très courts passages dans des journaux télévisés de la BBC et de Channel 4 jeudi. L'Association musulmane de Grande-Bretagne avait appelé les médias à ne pas reproduire ces caricatures, arguant de leur caractère offensant pour les musulmans.

"CARICATURES BLESSANTES"

Partenaire privilégié de la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ont également condamné ces dessins. "Ces caricatures sont évidemment blessantes pour les croyances des musulmans", a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Justin Higgins, en jugeant que "l'incitation à la haine religieuse et ethnique n'est pas acceptable". "Nous appelons à la tolérance et au respect de toutes les communautés, de leurs croyances religieuses et de leurs pratiques", a-t-il dit. "Nous reconnaissons tous et nous respectons complètement la liberté de la presse et de l'expression, mais elle doit s'accompagner de la responsabilité de la presse", a ajouté M. Higgins. Les médias américains ont, dans leur grande majorité, évité de reproduire les caricatures controversées, en faisant valoir leur nature potentiellement blessante, mais ont commencé d'ouvrir le débat sur le sujet.

Si plusieurs pays européens cherchent à ménager liberté de la presse et respect des croyances, le Danemark a campé sur ses positions. Le gouvernement est resté ferme en répétant vendredi à tous les ambassadeurs à Copenhague qu'il n'entendait pas transiger sur la liberté d'expression et ne pouvait s'excuser à la place d'un média. "Un gouvernement danois ne peut jamais s'excuser au nom d'un journal libre et indépendant", a lancé le premier ministre, Anders Fogh Rasmussen, à l'issue de la réunion ayant rassemblé 76 ambassadeurs.

Le Monde.fr, avec AFP

La CEDH défend, depuis 1976, les informations qui "choquent"

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), fréquemment saisie sur des affaires de presse, a rendu a plusieurs reprises des arrêtés favorables à la liberté d'expression des journalistes au détriment de "sentiments" de la population ou des Etats. Parmi les plus cités, on retrouve l'arrêté Handyside (7 décembre 1976), portant sur une affaire de presse en Grande-Bretagne, qui réaffirme l'importance du droit à l'information en ces termes :

"La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve des restrictions mentionnées, notamment dans l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, elle vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur, ou considées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'y a pas de société démocratique."

Plus près de nous, en 1997, dans l'arrêté Haes et Gijsels, portant sur une affaire de presse en Belgique, la Cour  a souligné que "la liberté journalistique comprend le recours possible à une certaine dose d'exagération, voire de provocation".

En 2000, dans une affaire turque, l'arrêté Ozgür Gundem rappelle qu'un Etat démocratique doit "tolérer la critique, même si elle est provocatrice et insultante".

Pour Annabelle Arki, responsable pour l'Europe de l'organisation de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières – qui avait lancé un "appel au calme et à la raison" face aux proportions que prenait cette affaire –, que Londres, Washington et Paris jouent l'apaisement ne peut être "qu'une bonne chose, à condition que cela ne se fasse pas au détriment de la liberté des médias mais que cela ouvre la voie au débat et à la discussion".
Alexandre Lévy


Caricatures de Mahomet : les protestations s'étendent dans le monde musulman
 
LE MONDE | 03.02.06 | 13h15  •  Mis à jour le 03.02.06 | 13h41
BEYROUTH CORRESPONDANTE

l'appel de l'Union mondiale des oulémas, les prédicateurs des mosquées devaient, vendredi 3 février, consacrer leurs prêches à l'offense faite, selon eux, à l'islam et aux musulmans par la publication, en Europe, de caricatures du prophète Mahomet.

L'Union a également appelé les musulmans à organiser des marches de protestation contre ces caricatures. Publiés le 30 septembre 2005 par le quotidien danois Jyllands-Posten, puis reproduits en Norvège avant de l'être en France et en Allemagne, ces dessins sont jugés blasphématoires, au-delà du Prophète, pour le milliard et demi de musulmans de la planète.

 

Les hommes de religion, mais aussi de plume, se succèdent sur les plateaux de télévisions satellitaires arabes pour dire leur indignation. Après les remontrances des gouvernements arabes, les appels suivis d'effets au boycottage commercial du Danemark et l'initiative prise par des importateurs des pays arabes du Golfe de retirer des produits danois du commerce, d'autres commerçants ont procédé, jeudi 2 février, au Yémen, à la mise à feu publique de ces produits. La surenchère dans l'indignation est telle que l'on voit mal comment et quand ce mouvement pourrait s'arrêter, d'autant qu'il n'obéit à aucune stratégie préalablement définie.

L'enchaînement est tel que toute expression publique en sens contraire est décriée. Jihad Moumni, rédacteur en chef du quotidien jordanien Shihane, a été limogé pour avoir publié, jeudi 2 février, quelques-unes des caricatures concernées. Elles étaient accompagnées d'un commentaire appelant les musulmans à être "raisonnables" et à se demander si les images "de preneurs d'otages se réclamant de l'islamet égorgeant leurs victimes ou celles de kamikazes se faisant exploser" parmi des civils n'étaient pas plus offensantes pour la religion que les caricatures tant conspuées. Le journal jordanien a par ailleurs été retiré de la vente.

Même la BBC, dans ses programmes de radio en langue arabe, a demandé, ces derniers jours, à des auditeurs interrogés depuis le Danemark de ne pas décrire les dessins, afin de ne pas participer à l'offense que les musulmans disent éprouver. En tout état de cause, ceux qui pensent que cette dramatisation risque de donner une image intolérante de l'islam et des musulmans se font peu entendre.

L'affaire des caricatures n'est pas la première du genre. Les précédentes n'avaient toutefois pas suscité de mouvement de masse. Il s'agit des affaires Salman Rushdie et Taslima Nasreen, dont les ouvrages avaient été jugés blasphématoires par les musulmans. Les deux auteurs ont certes été menacés de mort, mais le mouvement de protestation contre leurs écrits n'avait rien de comparable à celui auquel on assiste aujourd'hui.

La lame de fond actuelle doit beaucoup à la conjoncture. Depuis les attentats anti-américains du 11 septembre 2001, les guerres d'Afghanistan et d'Irak, la dégradation de la situation en Palestine et la multiplication des attentats commis au nom de l'islam, notamment par le mouvement djihadiste Al-Qaida et ses alliés, les musulmans ont le sentiment d'être dans le collimateur de la lutte antiterroriste et victimes d'une distanciation agressive, sinon raciste, de l'Occident. A propos des caricatures, ils évoquent ce qui semble être à leurs yeux une politique des "deux poids, deux mesures" selon qu'il s'agit d'une offense au souvenir de la Shoah punie par les lois en Europe ou d'une offense à Mahomet à propos duquel, disent-ils, les gouvernements européens invoquent la liberté de pensée et d'expression.

La protestation des modérés vise aussi à empêcher l'instrumentalisation de l'affaire des caricatures par les islamistes les plus radicaux. A cet égard, le boycottage commercial leur paraît être une "arme" doublement efficace. En touchant l'économie d'un pays tel que le Danemark, elle l'oblige à respecter le monde musulman. Cette stratégie vise aussi à prévenir d'éventuelles réactions violentes de type terroriste que pourraient prôner les extrémistes, dont les modérés veulent précisément se démarquer.

Mouna Naïm

TROIS PRÉCÉDENTS

SALMAN RUSHDIE.

En février 1989, une fatwa de l'ayatollah Khomeiny, en Iran, condamne à mort l'écrivain Salman Rushdie, d'origine indienne, auteur du roman Les Versets sataniques. Ce qui est en cause, c'est un petit passage du livre se rapportant à un fait contesté de l'histoire selon laquelle Satan aurait inspiré trois versets du Coran. Salman Rushdie se réfugie en Grande-Bretagne. Dix ans après, la menace de mort a été levée par le président Khatami.

TASLIMA NASREEN.

Dans son livre La Honte, en 1993, l'écrivain du Bangladesh s'en prend à l'oppression des femmes dans le régime patriarcal de son pays, légitimé par l'islam. Elle se réfugie en Suède.

THÉO VAN GOGH.

Le 2 novembre 2004, le réalisateur néerlandais est assassiné à Amsterdam par un islamiste, Mohammed Bouyeri. Dans son film Soumission, il dénonçait la violence faite aux femmes dans les sociétés musulmanes.
 

Article paru dans l'édition du 04.02.06
 
Le Danemark ressent les premiers effets du boycottage
LE MONDE | 03.02.06 | 13h15  •  Mis à jour le 03.02.06 | 13h15
COPENHAGUE ENVOYÉ SPÉCIAL

i beaucoup de Danois, et notamment les journalistes de Jyllands-Posten, sont soulagés de voir la presse européenne se mobiliser enfin en reprenant les caricatures de Mahomet, Per Stig Möller, le ministre (conservateur) danois des affaires étrangères, est inquiet.

Selon lui, cette brusque vague de reproduction des dessins controversés dans le monde musulman risque de contribuer à aggraver le boycottage des produits danois au Moyen-Orient, lancé depuis quelques jours en Arabie saoudite. "Il faut compter avec le fait que le boycottage va se répandre encore plus, a-t-il déclaré, jeudi 2 février, dans l'édition du quotidien financier Börsen. Il y a des pays où cette question n'a pas encore été abordée à la prière du vendredi. Et maintenant, des pays comme la France, l'Allemagne et l'Autriche ont diffusé les dessins. Cela peut accroître encore (le boycottage)." En dépit des inquiétudes du ministre des affaires étrangères, les banques Nordea et Danske Bank ont analysé que le boycottage au Moyen-Orient ne faisait pas courir de risque à l'économie danoise, les exportations vers la région ne représentant qu'à peine plus de 1 % des exportations totales du royaume.

Dansk Industri, l'organisation patronale danoise, a en tout cas rapporté, jeudi, qu'environ deux cents emplois ont déjà été perdus dans des laiteries qui exportent essentiellement des fromages de type feta. Jusqu'à présent, le boycottage a principalement frappé les produits alimentaires et les médicaments, qui représentent respectivement 30 % et 10 % des exportations danoises vers le Moyen-Orient.

Arla, une compagnie suédo-danoise de produits laitiers, perdrait plus d'un million d'euros par jour. Elle a publié, samedi, dans la presse arabe, une publicité rédigée par l'ambassadeur danois à Riyad assurant que le Danemark respectait l'islam.

Dans un rapport publié le 31 janvier, la banque danoise Jyske Bank estime que si le boycottage devait durer un an, il pourrait coûter au Danemark quelque 11 200 emplois et un milliard d'euros en manque à gagner, ce qui correspond au montant des exportations vers la région en 2005.

La situation pourrait se dégrader encore si le boycottage s'élargissait aux pays musulmans non arabes, comme l'Indonésie ou la Malaisie.

Les exportations danoises vers les cinquante-sept pays membres de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) se sont élevées à 14 milliards de couronnes (1,9 milliard d'euros) en 2005.

Olivier Truc
 

Entre ironie et détachement, le Web français ne s'enflamme pas
LEMONDE.FR | 03.02.06 | 19h44  •  Mis à jour le 03.02.06 | 21h18

ci, le ton n'est pas à la surenchère. La "une" d'oumma.com, l'un des principaux sites français consacrés à l'islam, s'ouvre sur un message d'apaisement, à savoir une tribune de Jean-Marie Gaudeul, responsable des relations avec l'islam pour la conférence épiscopale française, qui s'interroge : "Comment ne pas admettre que certains font de la dérision leur fonds de commerce, leur métier, tandis que d'autres expriment, par ce biais, leur détestation de telle ou telle catégorie de personnes ?"

Le site prend le parti de recadrer le débat. Yacine Saadi y estime que Jacques Lefranc, le directeur de la publication de France-Soir limogé pour avoir publié les caricatures du Prophète, n'a pas été victime "de l'obscurantisme supposé des musulmans de France", mais plutôt de la "démarche mercantile (...) d'un homme d'affaires qui commerce ou a commercé avec le monde arabo-musulman".

Sur les forums consacrés à l'islam, comme bladi.net, la tendance n'est pas non plus à l'escalade. Si de nombreux participants recommandent de boycotter les produits danois, d'autres relativisent. "A ma connaissance, on n'a pas boycotté les produits français quand Michel Houellebecq a dit que l'islam était la religion la plus con", estime une internaute, qui ne voit pas l'intérêt du boycott. "Et puis, ça n'est pas en boycottant les produits danois que je vais maigrir, poursuit-elle avec humour, je n'en achète déjà pas."

Sur les sites où le débat est actif, c'est également l'humour – un peu grinçant parfois – qui prédomine. Abbas Aroua, sur oumma.com, s'émerveille que la campagne de boycott soit "suivie scrupuleusement aussi bien par le religieux qui renonce à son lait Arla que par le profane qui abandonne sa bière Carlsberg".  Et si les blogs qui reproduisent les caricatures ont droit à leur lot de commentaires énervés ou même menaçants, la plupart des musulmans français semblent considérer que s'élever contre ces dessins, c'est déjà leur accorder trop d'importance.

"Il ne faut pas donner d'importance à ce journal, estime un internaute sur bladi.net en parlant de France-Soir. Ce journal n'est lu que par ceux qui y travaillent." En tout cas, sur Skyblog, le plus important réseau de blogs en France, les caricatures ne font guère de remous : moins d'une vingtaine de blogs en parlent, sur les 3 800 000 blogs revendiqués par la plate-forme deSkyrock.
 

Damien Leloup

Emotion à Gaza et en Cisjordanie, où les Européens sont des "cibles"
LE MONDE | 03.02.06 | 13h15  •  Mis à jour le 03.02.06 | 16h56
JÉRUSALEM CORRESPONDANT

a colère, jusqu'alors limitée, suscitée dans les territoires palestiniens par la publication en Europe de caricatures du prophète Mahomet, a pris un nouveau tour, jeudi 2 février, avec l'intervention de groupes armés à Gaza ainsi qu'à Naplouse, en Cisjordanie.

A Gaza, des miliciens se réclamant du Djihad islamique et d'un groupuscule militaire issu du Fatah ont brièvement pris position devant les locaux de l'Union européenne, qu'ils ont symboliquement fermés "jusqu'à nouvel ordre". En fin de journée, une manifestation a rassemblé d'autres protestataires en armes devant le Centre culturel français. Selon l'Agence France-presse, deux grenades auraient été lancées à proximité du bâtiment, sans faire de dégâts.

Dans un communiqué très virulent, ces groupes palestiniens ont indiqué que "tout Norvégien, Danois ou Français présent sur notre terre est une cible", exigeant en outre la fermeture des représentations diplomatiques des trois pays où les caricatures incriminées ont été publiées, pays qu'ils ont menacés de "détruire" et de "bombarder", ainsi que "les églises", si "les provocations" contre l'islam se poursuivent.

A Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, un jeune enseignant allemand a été kidnappé par un groupe d'hommes armés avant d'être libéré, une heure plus tard, par la police palestinienne. Des miliciens ont également fermé le Centre culturel français de la ville pendant que d'autres recherchaient des ressortissants européens dans les hôtels.

Les incidents recensés jeudi ont concerné les zones où la situation sécuritaire est de longue date problématique, notamment à Gaza où les enlèvements d'étrangers se sont multipliés au cours des derniers mois. Généralement brefs et sans violences, ils ont toujours été le fait de groupuscules issus du Fatah. Cette insécurité imputée au Fatah est d'ailleurs l'une des raisons de la victoire électorale enregistrée par le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) lors des élections du 25 janvier. Alors que certains groupes armés ont décidé de se lancer dans la surenchère, jeudi, le Hamas a manifesté au contraire une grande retenue.

Après les menaces proférées contre les lieux de culte chrétiens de Gaza, l'un des responsables du Hamas à Gaza, Mahmoud Al-Zahar, s'est rendu ostensiblement dans l'une des rares églises que compte la ville, celle de la Sainte Famille (un siège de député est réservé à la communauté chrétienne dans ce district), pour offrir les services de miliciens de son mouvement afin d'assurer la protection de l'édifice. A Hébron, un bastion du Hamas, qui y a remporté les neuf sièges en jeu le 25 janvier, aucun acte d'hostilité n'a été signalé envers les observateurs déployés dans la partie de la ville où cohabitent des Palestiniens et des colons extrémistes. Plus d'un tiers de ces observateurs sont pourtant de nationalité norvégienne ou danoise.

A Ramallah, le premier ministre démissionnaire, Ahmed Qoreï, qui expédie les affaires courantes jusqu'à la désignation d'un nouveau gouvernement, a fait part, jeudi, de son mécontentement vis-à-vis de la publication de ces dessins, tout en appelant les Palestiniens à la retenue. Le mufti de Jérusalem s'était prononcé sur le même mode dans la presse palestinienne au cours des jours précédents. Le responsable religieux a reçu, depuis la polémique, des diplomates danois, norvégiens et français. Par mesure de sécurité, la Norvège a fermé ses bureaux en Cisjordanie alors que la France a invité, à nouveau, ses ressortissants à éviter la bande de Gaza.

Le boycottage des produits danois pourrait s'étendre à la majorité des produits européens après la radicalisation de jeudi. Par le passé, l'adoption par la France d'une loi réglementant les signes religieux avait déjà suscité le mécontentement et l'incompréhension dans les territoires palestiniens mais la protestation s'était alors limitée à une manifestation pacifique devant le Centre culturel français de Gaza.

Gilles Paris
Article paru dans l'édition du 04.02.06
 

Caricatures de Mahomet : Chirac exhorte au «respect»

Avec AFP [03 février 2006] www.lefigaro.fr
 
Les réactions à la publication des caricatures controversées du prophète Mahomet dans la presse européenne se multiplient, de Washington à Paris. Vendredi, le chef de l’Etat a appelé «chacun au plus grand esprit de responsabilité, de respect et de mesure pour éviter tout ce qui peut blesser les convictions d'autrui».
Jacques Chirac a affirmé vendredi que «la liberté d'expression» était un «des fondements de la République», mais appelé chacun «au plus grand esprit de responsabilité, de respect et de mesure», après s'être entretenu avec le recteur de la Mosquée de Paris de l'affaire des caricatures du prophète Mahomet, a rapporté l'Elysée.

A l'occasion de cet entretien avec M. Dalil Boubakeur, le chef de l'Etat «a rappelé que la France, pays de laïcité, respecte toutes les religions et toutes les croyances. Il a également rappelé que le principe de la liberté d'expression constitue un des fondements de la République», a-t-on indiqué de même source.

«Nous sommes attachés à l'exigence de liberté, de démocratie qui est à la base de ce qui fonde notre pays mais aussi à l'exigence de respect», a déclaré auparavant le premier ministre, Dominique de Villepin

L'Union des organisations islamiques de France, (UOIF) a annoncé qu'elle allait porter plainte contre des journaux français qui ont publié les dessins.

De leur côté, les Etats-Unis ont jugé que la publication des caricatures controversées constituait une incitation «pas acceptable» à la haine religieuse ou ethnique.

«Ces caricatures sont évidemment blessantes pour les croyances des musulmans», a déclaré le porte-parole du département d'Etat Justin Higgins, en jugeant que «l'incitation à la haine religieuse et ethnique n'est pas acceptable».

«Nous appelons à la tolérance et au respect de toutes les communautés, de leurs croyances religieuses et de leurs pratiques» a-t-il dit en réponse à une question sur la polémique née de la publication de caricatures du prophète Mahomet.

«Nous reconnaissons tous et nous respectons complètement la liberté de la presse et de l'expression, mais elle doit s'accompagner de la responsabilité de la presse», a ajouté M. Higgins.

«Insultante, indélicate» selon Straw
«Je pense que la nouvelle publication de ces caricatures a été insultante, indélicate, manquant de respect et que c'est quelque chose de mal», a déclaré, de son côté, le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw.

«Il y a la liberté de la presse, nous la respectons tous. Mais il n'y a pas d'obligation d'insulter ou d'être gratuitement incendiaire», a ajouté le ministre.

M. Straw a également rendu hommage à la «responsabilité» et à la «délicatesse» des médias britanniques, dont aucun n'a publié les images, à l'exception de très courts passages dans des journaux télévisés de la BBC et de Channel 4 jeudi.

Jeudi, le grand rabbin de France Joseph Sitruk a déclaré qu'il «partage» la colère des musulmans.
 


Le mécontentement gagne la France

Avec AFP [03 février 2006] www.lefigaro.fr
 
Le ton est monté vendredi parmi plusieurs imams, qui ne tolèrent pas le manque de respect relatif aux symboles les plus forts de leur religion et de leurs croyances.
«Ces dessins sont une «provocation criminelle» par lesquels l'auteur s'est exposé au «châtiment divin» qui interviendra «tôt ou tard, sous une forme ou une autre», a affirmé vendredi l'imam de la mosquée de la rue Myrrha à Paris (18e), concernant la publication de dessins caricaturant Mahomet dans la presse européenne.

«Il serait naïf de croire que la provocation n'était pas calculée, ou bien qu'il s'agirait de l'expression d'une liberté», déclare, de son côté, le Collectif des musulmans de France, situé dans la mouvance de Tariq Ramadan, «la vague de solidarité exprimée par d'autres journaux nationaux ou européens cache mal en réalité une tendance islamophobe devenue politiquement correcte chez nous».

Il s'en est également pris à «une diplomatie du monde arabo-musulman subitement soucieuse de la dignité des musulmans en dehors de ses territoires, alors que le monde arabo-musulman est le théâtre quotidien du manque de démocratie, de droits de l'Homme et de respect des préceptes islamiques».

A La Courneuve, l'imam d'une mosquée de la ville a exhorté les fidèles à réagir : «Déposer plainte», ne plus acheter de «yaourts danois», ni de «journal qui insulte notre prophète».

Droit «d'être respectés dans leurs convictions»
Près d'un millier de musulmans se sont rassemblés vendredi devant la mosquée de Lyon, au terme de la prière, pour manifester leur émoi et réclamer plus de «respect».

«La Grande Mosquée de Lyon et l'Union des mosquées Rhône-Alpes dénoncent avec force la manière dont certains journaux ont voulu s'attaquer aux symboles les plus forts de leur religion et de leurs croyances», a déclaré M. Kabtane, le recteur de la Grande Mosquée de Lyon, en soulignant le droit pour les musulmans «d'être respectés dans leurs convictions».


Manifestations de milliers de musulmans dans le monde

Avec AFP [03 février 2006] www.lefigaro.fr
 
Le monde musulman continue de manifester bruyamment son exaspération face à la publication des caricatures du prophète Mahomet dans la presse européenne, alors que le Premier ministre danois réitère son refus de présenter des excuses au nom du journal qui a publié ces dessins. De son côté, Dominique de Villepin a appelé à «concilier» l'«exigence de liberté et l'exigence de respect».
«Les condamnations ne suffisent pas, il faut riposter par le feu». C’est par ces cris de colère que des milliers de fidèles musulmans ont manifesté vendredi sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem. Tous protestaient contre les caricatures de Mahomet, publiées dans la presse européenne. Une « agression flagrante contre l'islam et une expression de dédain à l'encontre de la nation musulmane » selon le prêche d’un prédicateur.

Des drapeaux danois, français et norvégiens ont été brûlées à Naplouse, en Cisjordanie. «Les criminels (auteurs des caricatures) n'échapperont pas à la punition des peuples musulmans, qui sont prêts à se sacrifier pour notre prophète», a tonné un cadre du Hamas.

«Nous n'acceptons pas les 'regrets'. Ceux qui ont publié ces caricatures doivent avoir la tête tranchée, nous n'accepterons pas moins que cela», a lancé le prédicateur de la Grande mosquée, à Gaza.

Au Liban, des manifestants ont exhorté Oussama ben Laden et son second en Irak, Abou Moussab Zarqaoui, à intervenir pour «défendre l'islam».

Des manifestations ont également eu lieu en Turquie, en Jordanie, en Syrie, en Arabie saoudite, en Irak.

Alors que son pays est au cœur de la controverse, le Premier ministre danois a réitéré son refus de présenter des excuses: « Un gouvernement danois ne peut jamais présenter ses excuses au nom d'un journal libre et indépendant», a-t-il souligné à l'issue de sa rencontre avec le corps diplomatique du pays.

Jeudi soir à Gaza, c’est la France qui était visée. Une trentaine d’homme armés liés au mouvement palestinien Fatah se sont rassemblés devant le Centre culturel français et y ont lancé deux grenades.

« Journée internationale de colère »

La publication des caricatures ne cesse de provoquer une colère grandissante dans le monde islamique. La preuve à Doha, au Qatar, où l’influent religieux musulman Youssef el-Qardaoui, a appelé à observer vendredi une « journée internationale de colère ».

A Djakarta, en Indonésie, entre 200 et 300 musulmans se sont livrés vendredi à des saccages dans le hall de l'ambassade du Danemark. Aux cris de « Allahu Akbar » (Dieu est le plus grand), ces membres du Front des défenseurs de l'islam (FPI) ont brisé des lampes à l'aide de bâtons, renversé des sièges et jeté des œufs pourris et des tomates sur la plaque de l'ambassade, fixée dans le hall.

« O frères dans la religion, c'est la guerre contre l'Islam...dégainez vos épées ! », hurle cheikh Badr ben Nader al-Machari dans un cri de guerre diffusé sur Internet. Pour cet ouléma saoudien, ces caricatures « font partie de la guerre menée par l'Occident décadent contre l'Islam triomphant ».

Rassemblements en Europe

A Londres, de 200 à 300 musulmans ont battu le pavé devant l'ambassade du Danemark, brûlant deux drapeaux danois aux cris de «jihad, jihad» et «à bas l'Europe».

A Copenhague, après la prière du vendredi, des fidèles cachaient mal leur exaspération face aux autorités et la population danoises qu'ils jugent intolérants.

En Norvège, responsables musulmans et chrétiens ont uni leurs voix, condamnant tant la publication des caricatures que la virulence des réactions qui ont suivi un peu partout dans le monde.

« Tout musulman est devenu une bombe aux yeux de l'opinion publique »

Selon une experte espagnole de l'islam, Gemma Martin Munoz, le fait que les dessins publiés en Europe assimilent islam et terrorisme explique la réaction violente des musulmans, bien plus que le fait d'avoir représenté le prophète.

C'est la raison pour laquelle le président de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) déclare que « tout musulman est devenu une bombe aux yeux de l'opinion publique ». Et d'ajouter qu'en tant que secrétaire général de la Conférence islamique européenne, il « demandait à la Commission européenne et aux Etats de l'UE de faire des lois qui protègent mieux les minorités musulmanes », car ces dernières ne « jouissent pas » à ses yeux de « la protection des autres minorités ».


Dilemme de la presse européenne : pour la liberté, mais pas pour envenimer la situation

Avec AFP  [03 février 2006] www.lefigaro.fr

En France, la publication par France-Soir des caricatures du journal danois Jyllands-Posten a suscité « une onde de choc »

La grande majorité des journaux européens s'est prononcée vendredi en faveur de la liberté de la presse dans l'affaire de la publication des caricatures de Mahomet, mais certains, comme le Financial Times, font valoir que ces dessins mettent de l'huile sur le feu.
Pour le quotidien britannique Financial Times qui redoute « une nouvelle affaire Rushdie », la nouvelle publication des dessins est «stupide».

Cette controverse est devenue «une traînée de poudre» après l'initiative de plusieurs titres européens de republier les caricatures. « La liberté d'expression est l'une de nos plus inestimables libertés. Mais elle n'est pas absolue : elle n'inclurait pas, par exemple, le droit de crier « Au feu ! » dans un théâtre bondé », ajoute le Financial Times.

The Independent abonde dans le même sens : « Les décisions les plus difficiles ne sont pas entre ce qui est bon ou mauvais, mais entre des droits rivaux ». « Il y a le droit de prendre la plume sans être censuré. Mais il y a aussi le droit des gens de vivre dans une société pluraliste et laïque sans se sentir exclus, menacés et quotidiennement moqués, comme c'est le cas de nombreux musulmans. Elever un droit au-dessus d'un autre est la marque du fanatisme », écrit-il.

Le Figaro met lui aussi un bémol à la liberté de la presse en assurant que « l'autocensure peut se révéler nécessaire » car « ce que la loi autorise, la conscience l'interdit parfois ». « On peut aussi faire un mauvais usage de la liberté de la presse », ajoute-t-il.

Un caricaturiste de La Tribune de Genève va dans le même sens en critiquant le dessin sur lequel le turban de Mahomet cache une bombe : « Dans cette image, trois outrages : aux lois religieuse, humoristique et éthique ».

En France, où la publication par France-Soir des caricatures du journal danois Jyllands-Posten a suscité «une onde de choc», Libération a publié vendredi deux des douze caricatures : « Le choix qui a été fait dans le quotidien d'aujourd'hui répond avant tout au souci de comprendre et de réaffirmer un principe et des valeurs, qui, dans cette crise démesurée par rapport à l'objet du débat, nous semblent mis à mal », explique le journal qui a cependant écarté « la plus caricaturale des caricatures, celle qui montre un Mahomet affublé d'un turban en forme de bombe, faisant l'amalgame inadmissible entre tous les musulmans et les terroristes. »

Plusieurs quotidiens européens critiquent la tiédeur des réactions en faveur de la liberté de la presse. El Mundo, en Espagne, déplore les réponses jugées complaisantes de certaines démocraties européennes à la « réaction furibonde » des pays arabes.

Die Welt, en Allemagne, s'érige en défenseur de la liberté de la presse et critique l'absence de mobilisation. « La réaction de l'Europe au chantage dont fait l'objet le Danemark en raison de la publication dans un journal des caricatures de Mahomet est étonnamment tiède ». « Qu'est devenue la large solidarité des écrivains et des éditeurs de journaux qui serait pour l'occasion appropriée ? », s'interroge-t-il, notant que «les intellectuels restent étrangement calmes ». « La haine de soi des Occidentaux va-t-elle si loin que presque personne ne s'agite quand des droits fondamentaux sont menacés ? ». « L'islam ne sera civilisé que lorsqu'il y aura autant de blagues sur Mahomet que sur Jésus, Moïse ou Bouddha ».

Pour Hospodarske Noviny (République tchèque), « renoncer à la liberté de la parole veut dire se priver d'une dimension sans laquelle la vie humaine est plate et vide. L'une des plus grandes malédictions qui peuvent frapper l'homme, c'est la perte du sens d'humour ».

En Autriche, Der Standard regrette que la présidence autrichienne de l'UE n'ait « à aucun moment depuis le début de la crise, fait référence à la liberté de la presse ».

De Staandard (Belgique), qui a opté pour la publication des caricatures, souligne qu'elles « ont touché des millions de personnes dans ce qu'elles ont de plus cher ». « Ce n'est pas une action qu'un journal doit utiliser à la légère », poursuit-il, estimant pourtant que la « liberté d'opinion est depuis le Siècle des lumières une des pierres angulaires de la société occidentale ».


Caricatures de Mahomet : le monde islamique s'enflamme

Georges Malbrunot (Avec AFP, Reuters)  www.lefigaro.fr
[03 février 2006]
 
A Gaza, des groupes armés menacent les Français. Du Maroc au Pakistan, les condamnations officielles se sont multipliées jeudi. Dans certaines villes, des manifestants ont brûlé des drapeaux français et danois et menacé de représailles les ressortissants de ces deux pays.
 
  • LA COLÈRE monte dans le monde arabo-musulman, où les condamnations officielles se multiplient après la publication des caricatures du prophète Mahomet dans plusieurs journaux européens. A Téhéran, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a eu hier un entretien téléphonique avec le roi Abdallah d'Arabie saoudite. Les principaux pôles chiite et sunnite de l'islam estiment nécessaire de réagir avec vigueur contre ceux qui «insultent» le Prophète. Le ministère des Affaires étrangères iranien a convoqué l'ambassadeur d'Autriche, qui préside actuellement l'Union européenne.

     

  • A Rabat, le premier ministre marocain, Driss Jettou, a dénoncé «ces caricatures qui portent atteinte au Prophète». A Lahore et Multan au Pakistan, des manifestants islamistes ont brûlé des drapeaux danois et français, et crié «Mort au Danemark». A Ramallah en Cisjordanie, Ahmed Qoreï, le premier ministre palestinien démissionnaire, a renouvelé l'appel lancé par les ministres arabes de l'Intérieur, qui demandent au gouvernement danois de «sanctionner fermement» les auteurs des dessins.

  • A l'unisson, la presse arabe dénonce une «provocation». L'éditorialiste du quotidien jordanien Al-Raï, proche de la monarchie hachémite, stigmatise ceux qui «prennent prétexte de la liberté d'expression, passant outre les crimes commis au nom de la religion chrétienne et encore plus du judaïsme et qui plient devant le chantage israélien (...) qui interdit toute discussion sur l'Holocauste».

     

  • Au Caire, le quotidien égyptien gouvernemental Al-Gomhouriya fustige «la communauté internationale (qui) doit comprendre que toute attaque contre notre prophète ne restera pas impunie». Aux Emirats arabes unis, le journal Al-Bayan juge «les excuses danoises insuffisantes» et Al-Khaleej affirme que la décision de France Soir est une «provocation préméditée». Face à cette déferlante, quelques rares appels à la raison et à l'autocritique se font entendre. L'hebdomadaire jordanien Shihane va jusqu'à reproduire trois des caricatures de Mahomet, et sous le titre «Musulmans du monde, soyez raisonnables», son rédacteur en chef, Jihad Momani, se demande: «Qu'est-ce qui porte plus préjudice à l'islam, ces caricatures, ou bien les images d'un preneur d'otage qui égorge sa victime devant les caméras, ou encore un kamikaze qui se fait exploser au milieu d'un mariage à Amman?»

     
  • Soucieux de ne pas être déstabilisés, plusieurs dirigeants arabes lancent des appels à la prudence. Le président égyptien, Hosni Moubarak, avertit contre «une mauvaise gestion» de ce scandale qui pourrait profiter, selon lui, aux «forces extrémistes et terroristes». Hosni Moubarak exprime sa reconnaissance à l'ancien président américain Bill Clinton, qui s'est élevé contre «l'outrage» porté aux musulmans, et a mis en garde contre le risque de «remplacer les préjugés antisémites par des préjugés anti-islamiques».
  •  

  • A Paris, le grand rabbin de France, Joseph Sitruk, a déclaré «partager» la colère des musulmans. Le dignitaire religieux juif «trouve» ces caricatures «déplacées». Selon lui, «on ne gagne rien à rabaisser les religions, à les humilier». Le droit à la satire «n'est pas sans limite» estime celui qui avait déjà dénoncé «l'insulte» faite à Jésus dans le film de Martin Scorsese La Dernière Tentation du Christ.

     

  • Enfin, tout en appelant les ressortissants français à ne plus se rendre dans la bande de Gaza, le Quai d'Orsay souligne que la France n'a pas reçu de «protestations officielles» à la suite de la publication des caricatures dans France Soir mardi. L'ambassade de France à Alger estime de son côté que ces caricatures sont «choquantes». «Nous comprenons qu'elles suscitent la réprobation et l'incompréhension parmi les musulmans», déclare la représentation diplomatique française à Alger.
    Avec AFP  [04 février 2006]

    Caricatures : la colère musulmane enfle
    A Damas, des manifestants ont saccagé et incendié samedi les ambassades du Danemark et de la Norvège. Le président iranien a ordonné la rupture des contrats économiques de Téhéran avec le Danemark et les pays où ont été publiées les caricatures du prohète Mahomet.
    «S'attaquer au Prophète, c'est s'attaquer à tous les Musulmans du monde !» Les Musulmans du monde entier ont continué à se mobiliser samedi contre la publication, dans la presse européenne, de caricatures de Mahomet, en dépit d'appels au calme et à la réconciliation.

    A Damas, des dizaines de manifestants ont débordé le service d'ordre et pénétré dans le bâtiment de l'ambassade du Danemark, qui abrite également les représentations suédoise et chilienne.

    Ils ont saccagé les lieux et jeté des meubles par les fenêtres avant de mettre le feu au bâtiment, pendant que d'autres manifestants jetaient des pierres sur les pompiers pour les empêcher d'intervenir.

    Les manifestants en colère se sont ensuite dirigés vers l'ambassade de Norvège où ils ont jeté des pierres sur les policiers qui protégeaient la représentation diplomatique, avant de mettre le feu au bâtiment.

    A la suite de ces événements, Copenhague et Oslo ont appelé leurs ressortissants à quitter immédiatement la Syrie.

    En Jordanie, le rédacteur en chef d'un hebdomadaire qui avait publié les caricatures controversées a été arrêté sur ordre du procureur général, qui a ouvert une enquête sur un autre hebdomadaire.

    En Iran, le président ultraconservateur, Mahmoud Ahmadinejad, a ordonné la rupture des contrats économiques de l'Iran avec le Danemark et les pays où ont été publiées les caricatures.

    Ces dessins illustrent «la haine envers l'islam et les musulmans qu'éprouvent les sionistes qui gouvernent ces pays et l'absence d'action sérieuse de la part des responsables de ces pays», a-t-il déclaré.

    Drapeaux danois brûlés
    A Nazareth, dans le nord d'Israël, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés dans le calme dans la vieille ville, à l'appel du Mouvement islamiste des arabes israéliens, pour scander des slogans tels que: «S'attaquer au Prophète, c'est s'attaquer à tous les Musulmans du monde !»

    A Gaza, plusieurs douzaines de jeunes palestiniens ont jeté des pierres contre le quartier général de l'Union européenne, blessant deux policiers palestiniens.

    Une manifestation a également eu lieu à Hébron, en Cisjordanie, devant le siège d'une ONG d'oberservateurs internationaux. Des drapeaux danois ont été brûlés et un message remis aux membres de l'organisation, qui compte des Danois, dans lequel des excuses sont exigées.

    A Londres, quelque 400 personnes ont protesté devant l'ambassade du Danemark, appelant les pays européens à «faire pression» sur leurs médias pour empêcher la publication des dessins.

    Au Danemark, pays où ont été publié pour la première fois les caricatures du Prophète en septembre, l'extrême droite et l'extrême gauche ont manifesté à Hilleroed, au nord-ouest de Copenhague, à quelques heures d'intervalle.

    Des groupes d'extrême gauche ont entamé à une manifestation pour protester contre des réactions de la droite qualifiées de racistes.

    Le rassemblement de quelques centaines de jeunes gens, fortement encadrés par la police, se voulait une contre-manifestation en prévision d'un défilé du Front danois, un groupe d'extême droite.

    La police s'est mobilisée pour éviter des violences et des heurts entre les deux cortèges.

    Réactions
    De par le monde les autorités morales, religieuses et politiques ont multiplié les appels au calme et au dialogue, sans pour l'instant sembler parvenir à désamorcer la situation.

    Le Vatican s'est exprimé pour la première fois, estimant que la liberté d'expression n'autorisait pas les offenses aux convictions religieuses.

    Le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls, a déclaré que «la cohabitation des hommes exige un climat de respect mutuel pour favoriser la paix entre les hommes et les nations» et que le droit à la liberté d'expression ne comprend pas «le droit de heurter les sentiments religieux des croyants».

    Le Haut représentant de l'Union Européenne pour la politique étrangère, Javier Solana, a estimé que «la tolérance et le respect mutuel jouent un rôle tout aussi important que le principe de la liberté d'opinion».

    Si elle a assuré pouvoir «comprendre que le sentiment religieux ait été blessé», la chancelière allemande Angela Merkel a condamné les actions violentes de musulmans, estimant que «la légitimation du recours à la violence est inacceptable».

    Manque de sensibilité
    Le président du plus grand pays islamique du monde, l'Indonésie, a condamné la publication des caricatures mais appelé ses concitoyens au calme.

    «La publication des caricatures marque clairement un manque de sensibilité à l'égard des croyances d'un groupe religieux», a dit le président Susilo Bambang Yudhoyono, mais il a ajouté que son gouvernement avait accepté les excuses présentées par la direction du journal danois.

    A Ankara, toutefois, le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gül a qualifié la publication des caricatures de «provocation» et d'acte «irresponsable».

    Malgré la polémique, un journal polonais a décidé samedi de reproduire les fameux dessins, pour «défendre la liberté d'expression».

    S'ils étaient tentés de le faire, les journaux sud-africains ne le pourront pas: saisie par des associations mulsumanes, la Haute cour de Johannesburg le leur a interdit.


    Washington condamne les dessins du Prophète

    Pierre Prier (avec AFP, Reuter)
    [04 février 2006]
    Sur fond de manifestations de colère dans les pays arabes, les gouvernements occidentaux cherchent l'équilibre entre liberté de parole et respect des religions.
    L'Administration américaine s'est impliquée hier pour la première fois dans la crise des caricatures du Prophète, en condamnant leur publication. «Ces caricatures sont évidemment blessantes pour les croyances des musulmans», a déclaré le porte-parole du département d'État, pour qui «l'incitation à la haine religieuse et ethnique n'est pas acceptable».

    Pays de la liberté d'expression, les États-Unis ne lui fixent pas moins des limites, a déclaré le porte-parole : «Nous reconnaissons tous et nous respectons complètement la liberté de la presse et de l'expression, mais elle doit s'accompagner de la responsabilité de la presse.» En Europe, les États membres de l'UE n'ont pas réussi à trouver une position commune, mais certains d'entre eux ont adopté une position proche de celle des États-Unis. Ainsi le président Jacques Chirac, recevant le recteur de la Mosquée de Paris Dalil Boubakeur, a affirmé que la liberté d'expression était l'un «des fondements de la République». Il a néanmoins appelé chacun «au plus grand esprit de responsabilité, de respect et de mesure pour éviter tout ce qui peut blesser les convictions d'autrui». Le président a rappelé que la France, «pays de laïcité», respectait «toutes les religions et toutes les croyances».


    Boycottage des produits danois
    A Londres, le ministre des Affaires étrangères Jack Straw a jugé les dessins «indélicats» et témoignant d'un «manque de respect». Pour lui, «il y a la liberté de la presse, nous la respectons tous. Mais il n'y a pas d'obligation d'insulter ou d'être gratuitement incendiaire.» Le secrétaire au Foreign Office a rendu hommage à la «responsabilité» des médias britanniques, dont aucun n'a publié les images, à l'exception de très courts passages dans des journaux télévisés de la BBC et de Channel 4 jeudi. En Italie, le ministre de l'Intérieur Giuseppe Pisanu a affirmé de son côté qu'il fallait «respecter les symboles religieux».

    Dans le monde musulman, les protestations se sont poursuivies. Des manifestants ont conspué le Danemark, la Norvège et la France dans les Territoires palestiniens, en Turquie, en Afrique de l'Est, en Jordanie, au Liban, en Irak, en Iran et au Pakistan. Le roi Abdallah II de Jordanie a affirmé que «l'insulte» au prophète de l'islam était un «crime injustifiable». Le magazine jordanien Shihane, qui avait publié des dessins, a été retiré du marché. Le président pakistanais Pervez Musharraf a condamné les caricatures, qui ont «enflammé nos sentiments».

    Le boycottage des produits danois a continué, touchant aussi plusieurs groupes européens. Le mouvement est très suivi dans les pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, mais aussi en Afrique du Nord. Première victime, le groupe danois de produits laitiers Arla Foods a annoncé le licenciement de 125 personnes. Chez le distributeur français Carrefour, numéro deux mondial, largement implanté dans les pays arabes, les franchisés de plusieurs pays, dont l'Égypte et Dubaï, ont décidé de leur propre chef de retirer les produits danois.

    L'intellectuel musulman Tariq Ramadan, installé à Genève, a fait entendre une voix plus nuancée. Jugeant «excessives» les réactions dans le monde musulman, il a appelé à «un débat serein et raisonnable» et condamné les appels au boycottage ou au meurtre. Tariq Ramadan s'est interrogé : «Quel est l'agenda politique qui fait ressortir tout ça trois mois plus tard ?» Il a dénoncé «cette polarisation dangereuse que l'on est en train d'accepter, qui nourrit les approches extrémistes des deux bords». Il a aussi appelé les musulmans à «s'habituer à prendre une distance critique», et à «vivre dans un monde global, où il faut que leur conscience soit suffisamment forte pour maîtriser leur sensibilité blessée», tout en rappelant «qu'en islam on ne dessine pas les prophètes».


    Le Danemark défend sa liberté d'expression

    Le journal incriminé a présenté des excuses aux musulmans offensés, mais ne se rétracte pas.
    Stéphane Kovacs
    [04 février 2006]
     
    LE DANEMARK ne transigera pas sur la liberté d'expression. Aux ambassadeurs en poste à Copenhague, qu'il a reçus hier, le premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen n'a pas présenté d'excuses, mais simplement des explications.

    Quant au grand quotidien Jyllands-Posten, qui avait publié, en septembre, les fameuses caricatures de Mahomet, il regrette d'avoir «offensé beaucoup de musulmans», mais pas d'avoir imprimé les dessins.

    «Un gouvernement danois ne peut jamais présenter ses excuses au nom d'un journal libre et indépendant, a insisté le chef du gouvernement à l'issue d'une réunion avec l'ensemble des ambassadeurs. Je suis heureux de vous informer que les ambassadeurs ont exprimé leur compréhension et leur volonté de contribuer à expliquer la situation au Danemark.»


    L'affaire remonte à l'été 2005, lorsque la rédaction du Jyllands-Posten apprend que l'auteur d'un livre pour enfants sur le Prophète («Le Coran et la vie du prophète Mahomet») n'avait pu trouver un seul dessinateur acceptant d'illustrer son ouvrage. Face à cette autocensure, le plus grand quotidien du royaume décide de relever le défi et de tester la liberté d'expression, l'un des éléments fondamentaux de la démocratie danoise.

    «Le débat a continué dans nos pages»

    «Il se trouve que la même semaine, un musée danois avait refusé de présenter un tableau qui déplaisait à des musulmans, et que les traducteurs du livre de la parlementaire néerlandaise Ayaan Hirsi Ali (NDLR : qui a fait de la lutte contre les dérives de l'islam son cheval de bataille) avaient réclamé l'anonymat, raconte Pierre Collignon, responsable du supplément dominical au Jyllands-Posten. Nous nous sommes dit : il est inadmissible de se laisser menacer par des terroristes !»

    Jyllands-Posten demande donc à une quarantaine de caricaturistes de faire des portraits du Prophète. Seuls douze acceptent et leurs dessins, signés, paraissent le 30 septembre, sous le titre Les Douze Visages de Mahomet. Ce sont «douze versions de l'idée que se font les caricaturistes sur ce à quoi le prophète Mohammed a pu ressembler, explique le rédacteur en chef du journal, Carsten Juste. L'initiative a été prise dans le cadre d'un débat qui se poursuit sur la liberté d'expression, une liberté que nous chérissons au Danemark».

    Quinze jours plus tard, 5 000 personnes, scandant «Dieu est grand et Mahomet est son prophète», manifestent à Copenhague. «Les musulmans danois ont protesté, mais de manière très civilisée, souligne Pierre Collignon. On a d'ailleurs publié leurs lettres, et pratiquement chaque jour, le débat a continué dans nos pages. En fait les réactions violentes sont venues de l'étranger.»

    Deux fausses alertes à la bombe
    Certains s'interrogent sur le rôle d'une délégation de la communauté musulmane au Danemark, qui a récemment effectué une tournée au Moyen-Orient pour attirer l'attention sur le climat antimusulman régnant, selon elle, dans le royaume scandinave.

    Comment se fait-il, en effet, que le tollé n'ait éclaté que quatre mois plus tard ? «Tout semble indiquer que ce qui se passe actuellement au Moyen-Orient est inspiré au plus haut degré par des forces religieuses au Danemark», a affirmé Anders Fogh Rasmussen. Que ces imams danois «dépensent la même énergie pour rectifier les malentendus créés !» a-t-il lancé.

    Dans un texte publié en danois, en anglais et en arabe, le Jyllands-Posten a reconnu lundi que les dessins «ont indiscutablement offensé beaucoup de musulmans, ce pourquoi nous présentons nos excuses». Malgré ces excuses, le journal continue d'être harcelé : il a été victime de deux fausses alertes à la bombe cette semaine et son site Internet est visé tous les jours par des «hackers».

    Mais le rédacteur en chef, qui a reçu des menaces de mort, persiste et signe : dans l'édition de dimanche, il répétera qu'il ne regrette pas d'avoir publié les caricatures. Et aussi, précise Pierre Collignon, «que l'on se réserve le droit de publier à nouveau de tels dessins, si la situation l'exigeait».


    Les musulmans français se sentent offensés

    Lors de la prière du vendredi hier dans une mosquée de Paris, les médias européens ont été accusés d'attiser la haine contre l'islam.
    Angélique Négroni et Sophie de Ravinel
    [04 février 2006]
     
    DANS sa mosquée Adda'wa, rue de Tanger, l'une des plus vastes de Paris, Larbi Kechat tente de promouvoir une spiritualité de dialogue. Hier pourtant, dans son homélie de la prière du vendredi, le ton était dur contre les médias, accusés «d'attiser le feu de la haine».

    «Présenter en terme de caricature satirique la figure qui, pour nous, est la plus sublime, s'est-il interrogé, cela fait-il partie de la liberté des médias ?» «Nous sommes pour la liberté d'expression, a martelé le recteur a plusieurs reprises, mais le monde dans lequel nous vivons est très perturbé, les tensions entre les religions s'exaspèrent. Chacun d'entre nous doit être responsable et promouvoir la paix sociale dans ses actes.»

    Pour celui que l'on dit souvent proche de la branche légaliste des Frères musulmans syriens, «le terrorisme le plus abject est le terrorisme symbolique qui déverse des torrents de violence». «La réaction du monde arabe est légitime, mais certaines expressions et certains moyens ne le sont pas», a cependant modulé Larbi Kechat en invitant ses fidèles «à rester droit et à faire le bien» face aux attaques. Mais, dès hier, un imam d'une mosquée de Paris du 18e arrondissement a tenu des propos virulents en indiquant que l'auteur des dessins s'exposait «au châtiment divin».

    «C'est un jeu dangereux»

    Une consigne de discrétion a été donnée à la mosquée Billal de Clichy-sous-Bois, ville du départ des violences urbaines en novembre 2005. «On n'a à rien à dire à ce sujet», s'est contenté de déclarer l'un des responsables de l'association cultuelle. Dans son homélie, l'imam n'a fait aucune allusion aux caricatures de Mahomet. A l'écart, de petits groupes se forment et les hommes acceptent plus librement de prendre la parole, avec retenue. Pour l'un d'eux, «ceux qui ont publié ces caricatures ont touché les musulmans dans leur coeur». «Reproduire le prophète avec une bombe au-dessus de la tête signifie que l'islam, c'est le terrorisme. C'est porter atteinte à notre religion», a repris un autre en poursuivant : «Ces dessins n'ouvrent pas la voie à la réflexion mais attisent la haine. C'est un jeu dangereux.»

    Pour un jeune qui se dit offensé, «la liberté de la presse s'arrête quand on porte atteinte au respect d'autrui». Le sentiment était, hier, largement partagé au sein de la communauté musulmane.


    Les Palestiniens manifestent leur colère

    Ils exigent davantage que des excuses.
    Patrick Saint-Paul
    [04 février 2006]

    LES ÉTENDARDS verts du Hamas et des drapeaux noirs frappés de l'inscription «il n'y de Dieu qu'Allah et Mahomet est son prophète» flottent sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem. Des milliers de manifestants s'y sont rassemblés, hier, après la grande prière du vendredi, pour clamer leur hostilité contre la France, le Danemark et la Norvège, où ont été publiées des caricatures de Mahomet. «Les condamnations ne suffisent pas, il faut riposter par le feu», scandent les manifestants à la sortie de la mosquée al-Aqsa, troisième lieu saint de l'islam. La police israélienne, déployée pour prévenir tout débordement, a dispersé des groupes de jeunes palestiniens qui tentaient de manifester aux abords de la Vieille Ville.


    «Agression flagrante»

    Lors du prêche qui a précédé la prière, le prédicateur Mohammad Hussein avait chauffé les fidèles en dénonçant «l'agression flagrante dirigée contre l'islam et le dédain à l'encontre de la nation musulmane». L'imam a appelé non seulement au boycott des marchandises venant des pays incriminés, mais aussi à des manifestations pour «exprimer la colère». «Nos dirigeants doivent aussi agir pour manifester leur désaccord», a-t-il ajouté. Les Européens étaient rares à s'aventurer dans les ruelles de la vieille ville de Jérusalem hier. «C'est une campagne organisée contre le Prophète et orchestrée par les gouvernements, accuse Imad Dadoul, 36 ans. Ce sont les relents des croisés qui ont combattu l'islam avec tant de violence. Certaines personnes peuvent brûler ou tuer pour réagir à de si graves provocations dans nos sociétés. De simples excuses ne suffiront pas. L'Europe doit faire passer des lois contre le racisme antimusulman, semblables à celles qui visent à lutter contre l'antisémitisme.» A Gaza, un chef du Hamas, le mouvement islamiste radical palestinien, Mahmoud Zahar, s'est au contraire posé en défenseur des chrétiens dans les Territoires palestiniens. «Vous êtes nos frères et vous serez en sécurité dans notre patrie, la Palestine, a-t-il déclaré, tranchant avec les menaces proférées la veille par des militants de la branche armée du Fatah. Nous ne permettrons à personne de toucher à vos écoles ou églises.»


    Les gouvernements européens appellent à la "responsabilité"
    LE MONDE | 04.02.06 | 13h52  •  Mis à jour le 04.02.06 | 17h25

    es gouvernements européens sont de plus en plus embarrassés par les réactions suscitées dans le monde musulman par les caricatures du prophète publiées au Danemark. A Bruxelles et dans les capitales européennes, on s'efforce d'apaiser les esprits et d'appeler à la retenue. Vendredi 3 février, Ursula Plassnik, la ministre autrichienne des affaires étrangères, dont le pays assure la présidence de l'Union, s'est dite "préoccupée par l'escalade". Elle avait, deux jours plus tôt, condamné "des déclarations et des activités qui dénigrent une religion de manière offensante".

    Tout en rappelant que la liberté d'expression est un des principes fondamentaux des Vingt-cinq, le commissaire européen à la justice et aux libertés, Franco Frattini, considère "personnellement la publication des dessins en question comme peu opportune", mais dénonce "les violences, les chantages, les appels à boycotter les produits danois ou même à limiter la liberté de la presse".

    En Allemagne, le débat a jusqu'à présent été marqué par la retenue mais des responsables politiques et religieux s'inquiètent d'un possible dérapage. Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung avait publié, dès le 3 novembre 2005, l'un des croquis faisant scandale au Danemark, sans provoquer de réactions. Ils ont été repris ces derniers jours par le journal conservateur Die Welt et quelques autres titres. Les réactions de la communauté musulmane restent limitées. Une majorité des 3,2 millions de musulmans résidant en Allemagne sont originaires de Turquie, pays de tradition séculaire depuis Kemal Atatürk.

    "La majorité d'entre eux acceptent le fait qu'on puisse, en Europe, représenter le prophète Mahomet sous forme de caricature, même s'ils ne sont pas d'accord avec cela", estime Salim Abdullah, directeur d'un institut de documentation sur l'islam. Un porte-parole du gouvernement a déclaré que l'Allemagne "comprenait" que les musulmans se soient sentis blessés dans cette affaire, tout en réprouvant le recours à la violence. Mais des voix alarmistes se sont élevées, comme celle de Wolfgang Thierse, vice-président (SPD) du Bundestag, qui met en garde contre "un moment de confrontation dangereux". Paul Spiegel, qui dirige la communauté juive d'Allemagne, a lui aussi critiqué la presse.

    A LONDRES, LA MODÉRATION

    A Londres, le gouvernement veut éviter que la polémique ne vienne ruiner les efforts de rapprochement avec la communauté musulmane après la crise provoquée par les attentats du 7 juillet 2005 contre le métro de Londres. La communauté musulmane officielle a également joué la carte de la modération. La presse écrite britannique s'est, il est vrai, abstenue de publier les caricatures, y compris les quotidiens populaires. Selon un sondage réalisé par Sky News, les trois quarts de ses téléspectateurs critiquent cette attitude.

    En Scandinavie, les dessins ont raison de la solidarité nordique. La Suède, la Finlande et la Norvège expriment leur défiance sur la gestion de l'affaire par le gouvernement danois. Le ministre finlandais des affaires étrangères a critiqué le Danemark pour ne pas avoir réagi à l'indignation causée par les dessins. "Une excuse n'aurait violé la liberté d'expression de personne. Ce n'est vraiment pas le moment d'aggraver délibérément la méfiance entre de grandes cultures et religions et de provoquer les extrémistes des deux bords", a-t-il déclaré. En Suède, le premier ministre, Göran Persson, a reproché à son homologue danois d'avoir refusé de recevoir les ambassadeurs de pays musulmans en octobre 2005.

    En Espagne, frappés par les attentats du 11 mars 2004, le gouvernement a défendu le respect simultané des croyances et de la liberté d'expression. "Nous sommes sûrs qu'il n'y a pas lieu d'hypothéquer aucune des deux", a assuré la vice-présidente du gouvernement socialiste, Maria Teresa Fernandez de la Vega, en appelant à "la responsabilité" de chacun. Deux journaux, le Periodico de Catalunya et le quotidien conservateur ABC ont publié des photos des caricatures.

    En Italie, de nombreuses personnalités politiques et religieuses ont critiqué la publication de ces caricatures. "Les symboles religieux de quelque religion que ce soit doivent être respectés et ne peuvent faire l'objet de sarcasmes, de satire ou de moqueries", a déclaré le ministre de l'intérieur, Giuseppe Pisanu. En revanche, le responsable de la Fédération nationale de la presse italienne, Paolo Serventi Longhi, a estimé que "le monde religieux doit apprendre à respecter le droit à l'information". Le quotidien de droite Libero a publié en Une, vendredi 3 février, l'ensemble des dessins en cause, comme l'a déjà fait La Padania, l'organe officiel de la Ligue du Nord, le parti xénophobe membre de la coalition de Silvio Berlusconi.

    Avec nos correspondants en Europe

    CHRONOLOGIE

    30 SEPTEMBRE 2005. Jyllands-Posten publie les douze "visages de Mahomet".

    19 OCTOBRE. Protestation de onze ambassadeurs de pays musulmans. Le premier ministre danois refuse de les recevoir.

    2 DÉCEMBRE. La tête des dessinateurs danois est mise à prix par des islamistes pakistanais.

    29 DÉCEMBRE. La Ligue arabe critique le gouvernement danois.

    10 JANVIER 2006. Un journal norvégien publie les dessins.

    23 JANVIER. Boycott des produits danois en Arabie saoudite. Le mouvement gagne tout le Proche-Orient, avec manifestations et menaces d'attentats.

    1ER FÉVRIER. France Soir publie les dessins, suivi par d'autres journaux européens.


    A Damas, les ambassades du Danemark et de Norvège incendiées
    LEMONDE.FR | 04.02.06 | 18h08  •  Mis à jour le 04.02.06 | 20h04

    lors que la polémique sur les caricatures représentant le prophète Mahomet continue à enfler à travers le monde, les incendies les plus graves ont éclaté en Syrie, où le bâtiment de les ambassades du Danemark et de la Norvège à Damas ont été incendiées. Des milliers de manifestants se sont débord regroupés samedi autour du bâtiment de la représentation danoise.

    L'immeuble a été la cible de jets de pierres et a été en partie incendié. Les pompiers ont dû intervenir. L'immeuble, qui abrite aussi les locaux diplomatiques du Chili et de la Suède, était vide au moment des incidents parce que ceux-ci étaient attendus, a déclaré à la BBC Jorgen Nielsen, directeur de l'Institut du Danemark dans la capitale syrienne.

    L'ambassade de la Norvège a ensuite subi le même sort malgré la présence d'un cordon de sécurité autour de l'immeuble : des manifestants ont réussi à pénétrer dans les bureaux de l'ambassade qu'ils ont saccagés, avant de provoquer un incendie. Les forces anti-émeutes ont lancé des gaz lacrymogènes contre les manifestants. Une dizaine d'entre eux ont été hospitalisés.

    Face à cette flambée de violences, les gouvernements danois et norvégiens ont appelé, samedi, leurs ressortissants à quitter immédiatement la Syrie. Ils ont également tous deux protesté auprès des autorités syriennes. L'ambassadeur de Syrie à Stockholm a été convoqué. De son côté le ministre norvégien des affaires étrangères Jonas Gahr Stoere a appelé son homologue syrien : "Je lui ai dit
    que c'était totalement inacceptable. Les autorités syriennes sont responsables
    de la sécurité de l'ambassade et de son personnel"
    . Le représentant de la diplomatie syrienne s'est excusé, indique M. Stoere.

    Avec AFP et Reuters
     

    Jean-François Clément, spécialiste de l'image dans l'islam, il rappelle qu'il est "faux et absurde" de dire que le Coran interdit la représentation du Prophète. Si Mahomet apparaît le plus souvent comme un prophète sans visage, cette règle a connu des exceptions. La polémique actuelle soulève la question de la figuration dans l'islam
    "Au départ, il n'y a pas d'interdit spécifique concernant la représentation du Prophète"
    LE MONDE | 04.02.06 | 15h06  •  Mis à jour le 04.02.06 | 17h18

    evant la colère des pays musulmans, on a l'impression que leur presse ne connaît pas la caricature, qu'elle soit politique ou religieuse. Est-ce possible ?

    C'est faux. Dans les pays musulmans où la liberté de la presse existe ou est relativement tolérée, la caricature et le dessin font partie du champ normal de la critique sociale. Il y a toutefois des limites. On ne peut pas désacraliser le chef de l'Etat, sinon la censure frappe. Mais il existe aussi beaucoup de dessins et de caricatures qui mettent en cause la religion musulmane elle-même, l'hypocrisie de certains croyants, le caractère superficiel de la foi, le pouvoir exorbitant que s'accordent certains responsables religieux. Dans cette presse — surtout celle du Maghreb ou celle des pays les plus ouverts du Proche-Orient (Liban, Egypte) —, l'insolence de la caricature existe donc réellement. Les juifs, le pape, les présidents américains peuvent être représentés et même caricaturés. Par exemple, au début des années 1980, on pouvait parfois voir la caricature du pape, avec un visage noir et un nez crochu, en train de montrer la direction du Liban à des troupes de soldats dessinés en croisés. Mais on peut mettre au défi quiconque de trouver, parmi tous ces dessins, le prophète Mahomet. Celui-ci échappe à toute représentation.

    D'où vient cet interdit concernant le Prophète ?

    Au départ, il n'y a pas d'interdit spécifique concernant la représentation du Prophète. L'interdit de l'islam porte sur la figuration en général, sur les statues à fonction d'idole "inventées par Satan", comme dit le Coran, et présentées comme des "abominations". On sait que les monothéismes se sont constitués contre ce paganisme idolâtrique. Ensuite, on trouve dans la sunna [ensemble des paroles et actions de Mahomet], en particulier dans le recueil de hadiths ["dits"] de Muhammad al-Bukhari (810-870), que trois attitudes sont possibles envers l'image : tolérer, mais s'abstenir de la produire ; condamner par la parole ; pratiquer l'iconoclasme, c'est-à-dire la détruire. On ne peut pas produire d'image, car la fabrication de formes figuratives est considérée comme une activité menaçant le monopole créateur de Dieu. Du IXe au XIIIe siècle, les théologiens durciront ces positions.

    "Subiront le châtiment par le feu le plus terrible, le jour du Jugement dernier, tous ceux qui feront de la représentation figurée", écrit par exemple Muhammad al-Bukhari. Dieu les mettra au défi de créer une âme, soit une manière de rappeler qu'il a seul le monopole de la création complète, celle qui produit la matière, sa forme spatiale et l'âme qui doit nécessairement y être associée. Dieu reproche donc aux créateurs d'images de n'être pas des... dieux, c'est-à-dire de ne pouvoir donner une âme à une matière. C'est un reproche aussi connu en Occident, comme on le voit dans les récits de Pinocchio, du Golem, des robots animés de la science-fiction, pour ne rien dire du titan Epiméthée qui façonne une statue d'argile sans lui donner la vie, raison pour laquelle Zeus, lui aussi jaloux, le transforme en singe.

    Comment expliquer, malgré cet interdit qui apparaît assez tardivement, l'existence de nombreuses représentations, y compris celle du prophète Mahomet ?

    On la trouve, en effet, depuis l'Inde de la période moghole jusqu'à l'Empire ottoman et en Perse, et cela du XIVe au XVIe siècle. Les théologiens persans, indiens ou turcs ont toléré la représentation de figures humaines, des anges et même du Prophète en contournant de quatre façons l'interdit. La première est d'user de miniatures : une figure réduite ne peut pas être confondue avec une figure réelle. Cela inclut la reproduction du Prophète, puisqu'il n'est jamais en grandeur réelle. Ensuite, on peut considérer — si Dieu est absolu — que toutes les figures sont produites par Dieu et non par des hommes. A cela s'ajoutent deux autres modes de contournement propres à la représentation du Prophète. Si les figures humaines, celles des compagnons ou des anges qui se trouvent dans les miniatures autour de Mahomet ont un visage avec tous ses traits — la bouche, les yeux, les oreilles, le nez, la barbe —, le Prophète, lui, a toujours un blanc à la place du visage. Mahomet est un prophète sans visage. Sa figure est... afigurée. On la trouve aussi parfois recouverte d'un voile.

    Cette représentation s'est-elle poursuivie à travers les siècles ?

    Elle ne se poursuit pas aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cette capacité représentative, qui aurait pu être le début d'une sorte de Renaissance musulmane, a été tuée dans l'oeuf. Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour qu'en Egypte, sur le mode des images de Saint-Sulpice ou des images d'Epinal, commencent à circuler des images pieuses comme supports de transmission de la foi. C'est à partir de là qu'on a commencé à représenter des prophètes comme Adam, Noé, Abraham, ou même Ali, le gendre de Mahomet, et ses deux fils Hussein et Hassan, mais jamais le Prophète lui-même.

    Cette circulation d'images pieuses est le début d'une "révolution iconique" qui ne s'arrêtera plus jusqu'à aujourd'hui. Et le paradoxe veut que cette civilisation musulmane, à ses origines si méfiante à l'égard de l'image, confondue avec l'idolâtrie, soit aujourd'hui écrasée par l'image, devenue un des principaux modes de communication et de prosélytisme religieux ou politique. Comment exprimer autrement le formidable développement en pays musulmans, au XXe siècle, de la photographie, du cinéma, des cassettes vidéo, des DVD, de la télévision jusqu'à Al-Jazira ? Comment oublier l'utilisation qui a été faite de l'image dans le culte de la personnalité des souverains politiques ou d'un chef religieux comme l'imam Khomeiny ? Qu'on pense aux images de Nasser en Egypte ou d'Hassan II au Maroc.

    Et l'un des paradoxes de la situation actuelle est bien que les islamistes, qui disent vouloir retrouver la pureté des "origines" de l'islam, font aujourd'hui un usage surabondant de l'image figurative. Dans la bande de Gaza, dans les territoires occupés, on vend des centaines de milliers d'exemplaires de photos des "martyrs" palestiniens. Pour ne rien dire des images d'Oussama Ben Laden, d'Ayman al-Zawahiri ou aujourd'hui d'Abou Moussab al-Zarqaoui.

    Quelle ressemblance et quelle différence y a-t-il aujourd'hui avec l'affaire Rushdie ?

    Dans un cas, on s'en prend à un texte littéraire, dans l'autre, à des images. Mais ceux qui avaient condamné les Versets sataniques de Salman Rushdie (Bourgois, 1998) ne l'avaient pas lu et ceux qui condamnent aujourd'hui les caricatures danoises n'en ont vu, dans le meilleur des cas, qu'une seule sur les douze publiées au Danemark : celle qui présente la tête du prophète Mahomet surmontée d'une bombe en guise de turban. Autre point commun : lorsque l'imam Khomeiny lance l'affaire, en février 1989, il s'agit d'abord pour lui de tester les autorités européennes et surtout de mobiliser les islamistes à travers le monde autour de lui.

    Dans les deux cas, ces affaires ont été "mondialisées" par les médias. Mais on ne sait pas s'il y aura la même mobilisation en Europe autour des Danois, collectivement accusés, que jadis autour de Salman Rushdie et de son livre. Il est vrai que M. Rushdie avait été directement menacé de mort par des autorités officielles d'un Etat, ce qui n'est pas le cas dans la situation présente.

    Dans les manifestations d'aujourd'hui, l'argumentaire est-il surtout religieux ou politique ?

    Il est plus politique que religieux. Ces caricatures sont considérées comme un outrage aux musulmans dans un scénario de "choc des civilisations" imaginé aux Etats-Unis, mais que les pays musulmans ont aussi parfaitement intégré depuis le 11-Septembre. Cette affaire de caricatures participe d'une mentalité de "victimisation" : la presse européenne et les Occidentaux en général ne nous comprennent pas, ne nous aiment pas, bafouent, au nom de leur liberté d'expression, ce que nous avons de plus précieux — notre foi — et font des lois contre les musulmans. Il est dit aussi que donner une image terroriste du Prophète, c'est assimiler islam et islamisme violent.

    Mais il y a trois arguments spécifiquement religieux, tous les trois faux ou absurdes : le Coran interdit la représentation du Prophète ; le Prophète n'a jamais été représenté tout au long de l'histoire de l'islam ; enfin, si l'on représente le Prophète, on risque d'en faire une idole.

    Ajoutons que les musulmans ne comprennent pas que les attaques contre les juifs soient punies par les lois européennes, mais pas celles qui atteignent les musulmans. Enfin, pour certains, Mahomet n'est pas seulement le prophète des musulmans, mais celui de tous les hommes et, à cet égard, il doit être respecté.

    Pensez-vous que les proclamations, en Europe, de défense de la liberté de la presse et du droit à la caricature et à la dérision puissent faire avancer la prise de conscience dans les pays arabes ?

    Les critiques viennent de pays dans lesquels la presse, en général, est soumise aux gouvernements. L'Occident a réussi à faire cohabiter le droit à l'expression et à la dérision avec le respect des croyances, mais ce fut au prix de longues batailles historiques. Nous sommes face à des pays qui ne se développent pas économiquement, qui vivent dans un univers dominé par l'idée que c'est par la faute des autres qu'ils sont pauvres. Le vrai problème — et l'on en revient à l'image — est dans la représentation qu'ils se font d'eux-mêmes et dans celle qu'ils ont des autres.



    Mahomet caricaturé: le CFCM examine les possibilités d'actions en justice
    AFP 04.02.06 | 19h24

     
    Le bureau exécutif du Conseil français du culte musulman (CFCM), réuni samedi en session extraordinaire à la Grande mosquée de Paris, a confié à des avocats le soin d'"examiner les possibilités d'action en justice", pour protester contre la publication de caricatures de Mahomet, selon un communiqué de son président.

    Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris et président du CFCM, précise dans ce texte que le bureau "a décidé de constituer un groupe d'avocats chargé d'examiner les différentes possibilités d'action en justice à la suite de la publication des caricatures diffamant gravement le prophète de l'Islam".

    Le bureau du CFCM appelle également "les musulmans de France à la vigilance contre toute provocation dans la situation actuelle née du fait de la publication des caricatures".

    "Chaque composante du CFCM désignera un représentant et un avocat pour nous orienter vers la meilleure approche", a ajouté le secrétaire général de L'Union des organisations islamiques de France (UOIF), Fouad Alaoui, à l'issue de la réunion.

    De son côté, l'UOIF, considérée dans la mouvance des Frères musulmans, avait déjà annoncé vendredi son intention de porter plainte contre les journaux ayant reproduit certaines des 12 caricatures de Mahomet, initialement publiées le 30 septembre 2005 par un journal danois.

    Le groupe d'avocats constitué par le CFCM devrait rendre ses conclusions avant la prochaine réunion du bureau exécutif, prévue le 25 février, a précisé M. Alaoui.

    La session a été marquée par le départ précipité d'un membres du Conseil, le représentant du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), Haydar Demiryurek.

    "On ne me demande pas mon avis. Il n'y a pas de solidarité. Il n'y a pas eu de concertation", a lancé M. Demiryurek à la presse en quittant la Grande mosquée.

    Avant la réunion, Dalil Boubakeur avait indiqué qu'il allait voir comment allaient "tourner les choses" au cours des jours suivants. "On donne l'assurance qu'on va décortiquer tout ce qui va être dit", avait-il dit.

    "Oeuvrez, si vous voulez la paix sociale", avait-il ajouté, en s'adressant directement aux journalistes présents, et à la presse dans son ensemble. "Sinon, nous prendrons des positions plus conformes à la défense de nos intérêts. Qui sème le vent récolte la tempête", avait-il poursuivi.

    A l'issue de la réunion, M. Alaoui a pour sa part déclaré qu'"il y a une dette envers (le CFCM) de l'ensemble de la presse française", en référence à l'intervention du CFCM en faveur de la libération des journalistes français Georges Malbrunot et Christian Chesnot qui avaient été pris en otages en Irak.


    Les relations occident-monde musulman pour la cohabitation des civilisations
     
    Les relations entre l’Occident et le Monde musulman traversent actuellement une crise aigue. Par Occident, il faut entendre principalement les Etats-Unis d’Amérique et l’Europe, le Monde musulman étant constitué par l’ensemble des pays d’Afrique, Moyen Orient et Asie où l’Islam est majoritaire.

    Cet antagonisme n’est pas récent, l’histoire nous montre que les relations entre l’Occident et le Monde musulman ont toujours été caractérisées par un statut dominant – dominé. Rappelons-nous les conquêtes arabes du 8ème siècle qui ont amené l’expansion musulmane jusqu’à Poitiers. Les Croisades qui ont commencé au 11ème siècle ont permis aux forces chrétiennes d’occuper le Moyen Orient, et notamment Jérusalem. L’Empire Othman au 14ème siècle a rétabli la suprématie musulmane au cœur de l’Europe, et notamment dans les Balkans. Enfin, la colonisation européenne au 19ème siècle a étendu son empire sur de nombreux pays musulmans d’Afrique, du Moyen Orient et d’Asie.
    Les relations entre l’Occident et le Monde musulman ont connu un certain répit au 20ème siècle, et notamment après la fin de la seconde guerre mondiale. La scène internationale fut dominée alors par le conflit Est- Ouest, opposant l’idéologie communiste au capitalisme. Ce conflit s’est achevé en 1989, année de la chute du Mur de Berlin, par le triomphe écrasant de l’Ouest. A partir de ce moment, l’antagonisme entre l’Occident et le Monde musulman s’est ravivé, à tel point que certains néo- conservateurs américains ont prétendu substituer au combat contre le communisme, la lutte contre l’Islam radical. Cette nouvelle orientation a été explicitée par le livre de SAMUEL HUNTINGTON : « le Choc des civilisations » publié en 1993.
    Les causes de l’antagonisme Occident-Monde musulman sont multiples. Le Monde musulman reproche à l’Occident son arrogance, son hégémonie politique et économique, ses provocations, ses dérives. Les masses musulmanes supportent très mal le conflit israélo-palestinien, et la double invasion de l’Afghanistan et de l’Irak. Ils considèrent que le soutien inconditionnel de l’Occident, et notamment des Etats-Unis à Israël, est injuste. Ils déplorent la politique de « deux poids-deux mesures » appliquée par l’Occident. Ils citent à titre d’exemple les résolutions de l’ONU en faveur de la Palestine qui ne sont jamais appliquées, et la tolérance vis-à-vis de l’arme nucléaire possédée par Israël, alors qu’ils empêchent l’Iran d’en disposer. Ils pointent du doigt la propagande anti-islamiste véhiculée par les médias occidentaux. La dernière en date, et la plus lamentable, est l’atteinte à la sacralité du Prophète Mohamed par des caricatures immondes. Ils condamnent les dérives occidentales concernant les mœurs, comme par exemple l’officialisation des mariages homosexuels.
    Le résultat de ces griefs, auxquels s’ajoute l’impuissance des régimes politiques en place pour assurer le développement économique et social, favorise la montée en puissance dans les pays musulmans des mouvements radicaux islamistes. En Egypte, lors des élections législatives de Novembre/Décembre 2005, les Frères Musulmans se sont taillés la part du lion, en remportant 88 sièges au Parlement. Les élections présidentielles en Iran en 2005 ont donné la victoire à Mahmoud AHMADINEJAD, connu par son radicalisme vis-à-vis de l’Occident. L’Irak a vu les musulmans chiites triompher, tandis que les dernières élections législatives en Palestine en Janvier 2006 ont donné la majorité au parti radical Hamas.
    Dans l’autre sens, le reproche principal de l’Occident au Monde musulman et l’absence de démocratie, et le recours au terrorisme. Les attentats spectaculaires du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis ont vivement frappé les esprits, et traumatisé la population. Les attentas de Madrid en 2004 et de Londres en 2005 ont de leur côté provoqué un sentiment très négatif en Europe. Le Président Bush en a profité pour envahir l’Afghanistan et l’Irak, et pour déclarer « la guerre au terrorisme ». Il a en outre lancé le plan Grand Moyen Orient, visant la démocratisation des pays musulmans, mais qui a peu de chances de succès dans le contexte actuel.
    Que faire pour sortir de cette impasse entre l’Occident et le Monde musulman ?

    Le Président espagnol ZAPATERO a préconisé « l’Alliance des civilisations ». Pour être plus modeste, recherchons les moyens d’assurer au moins une « Cohabitation des civilisations ». Des efforts doivent être entrepris de part et d’autre. L’Occident doit remettre à plat, et repenser sa politique vis-à-vis du Monde musulman. Sur le plan politique, l’Occident doit peser de tout son poids pour une solution juste et équitable du conflit israélo- palestinien. Les Américains et leurs alliés doivent se retirer le plus rapidement possible d’Afghanistan et d’Irak.
    Les médias occidentaux doivent respecter le Monde musulman, et notamment cesser toute attaque contre la religion musulmane, et éviter tout amalgame entre islam et terrorisme. L’Occident doit renforcer sa coopération économique et technique avec le Monde musulman, afin de lui permettre d’accélérer son développement. Il doit ouvrir davantage ses Universités et ses Centres culturels à la civilisation musulmane, et aux rassortissants du monde musulman, afin de promouvoir la compréhension et le dialogue. L’Europe, du fait de l’histoire, et de ses relations particulières avec le monde musulman, doit jouer un rôle important dans le rapprochement des civilisations.
    Le Monde musulman doit de son côté cesser toute acte de terrorisme, car les victimes sont innocentes, et le résultat inverse au but recherché. Il doit promouvoir la démocratisation des systèmes politiques et la modernisation de l’économie. Cependant, la priorité doit être donnée à l’éducation et au développement économique. C’est le meilleur moyen de barrer la route aux mouvements extrémistes. Le Monde musulman doit aussi s’ouvrir sur la culture et la science occidentale qui présentent de nombreux atouts.
    En conclusion, il faut formuler l’espoir que la crise actuelle entre l’Occident et le Monde musulman soit dépassée. La tâche est difficile et repose sur la bonne volonté de part et d’autre, et sur l’intérêt bien compris des deux parties. L’effort est à porter tout particulièrement sur la compréhension des deux civilisations. Face aux vicissitudes de l’Histoire, faisons du 21ème siècle celui de l’apaisement et de la cohabitation des civilisations.


    Par Jawad KERDOUDI
     

    L'extrême droite européenne divisée sur la question des caricatures
    LEMONDE.FR | 08.02.06 | 20h07  •  Mis à jour le 08.02.06 | 20h50

    evant l'ampleur des manifestations dénonçant la publication des caricatures du Prophète Mahomet, plusieurs partis d'extrême droite européens ont décidé de jouer la carte de la surenchère.

    Mardi 7 février, sous les slogans "nous sommes tous Danois" et "arrêtons l'islam", le parti flamand Vlaams belang a manifesté à Bruxelles en soutien aux Danois. Mercredi, la tension est montée d'un cran avec une interview du ministre des réformes institutionelles italien, Roberto Calderoli, au quotidien La Repubblica. Membre du parti populiste de la Ligue du Nord, le ministre a même lancé un appel à la croisade. "Nous en sommes au fanatisme collectif. Le pape doit intervenir comme le firent Pie V et Innocent XI", a-t-il déclaré. "Au temps de la bataille de Vienne et de la bataille de Lépante (contre les Turcs en 1683 et en 1571), les papes ont remplacé les gouvernements et ils ont créé de grandes coalitions pour vaincre le danger islamiste", a-t-il poursuivi avant de souhaiter que Benoît XVI fasse "rapidement" la même chose.

    SOUTIEN À "FRANCE SOIR"

    Le 3 février, Roberto Calderoli avait déjà demandé au directeur de la Padania, le quotidien de la Ligue du Nord, d'embaucher Jacques Lefranc, le directeur de la publication de France soir, limogé après avoir reproduit les caricatures. A deux mois des élections législatives italiennes, alors que la gauche est créditée de 5 % d'avance dans les sondages, la Ligue du Nord peine à dépasser la barre des 5 % des intentions de vote, et ses membres ont multiplié les déclarations provocantes et xénophobes ces derniers mois, espérant un sursaut électoral.

    En Norvège, où le Parti du progrès (extrême droite) est devenu en septembre 2005 le premier parti d'opposition, avec 22,05 % des suffrages aux législatives, les boycotts et les violences contre les ambassades ont attisé un sentiment anti-musulman. D'après un sondage publié mercredi dans le quotidien Verdens Gang, la moitié des Norvégiens se disent aujourd'hui "plus sceptiques" à l'égard de l'islam, et 30 % se disent"plus sceptiques" envers leurs compatriotes musulmans.

    Le leader d'extrême droite autrichien Jörg Haider s'est montré plus modéré, suggérant une médiation du président Libyen Mouammar Kadhafi et estimant que l'Occident "ne peut pas se comporter aussi brutalement avec les autres religions qu'avec les siennes".

    En France, Philippe de Villiers, le président du Mouvement pour la France, et Bruno Mégret, président du Mouvement national républicain, ont tous deux exprimé leur solidarité avec le directeur de la publication de France soir, le premier dénonçant "un acte de censure islamique". Le Front national (FN), premier parti d'extrême droite français, profite quant à lui de "l'affaire des caricatures" pour faire un geste en direction de son électorat catholique traditionaliste. Des électeurs qui avaient été très choqués par la publicité de Marithé et François Girbaud représentant le dernier repas du Christ, avec des femmes comme apôtres. Pour le président du FN, Jean-Marie Le Pen, "Les croyants ont droit au respect de leurs croyances, qu'ils soient musulmans, juifs ou chrétiens". "Si l'on condamne, à juste titre, de blessantes caricatures du Prophète des musulmans, à plus forte raison doit-on condamner les ignobles et permanentes caricatures du Dieu incarné des chrétiens."


    Le Soir Belgium www.lesoir.be

    La publication en Europe de caricatures du prophète Mahomet a rebondi jeudi à Gaza où des groupes armés ont menacé de s'en prendre à des journalistes occidentaux et déclaré "fermée jusqu'à nouvel ordre" la représentation de l'Union Européenne.

    Dans un communiqué à l'AFP, les Comités de la résistance populaire et le "commandement commun" des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, liées au Fatah, ont affirmé que tout Norvégien, Danois ou Français présent sur notre terre est une cible.

    Nous demandons la fermeture des bureaux et consulats en Palestine des trois pays concernés (que) nous n'hésiterons pas à détruire, ajoutent-ils, en réclamant le boycott des produits français, danois et norvégiens. Une vingtaine d'hommes armés du Fatah et du Jihad islamique ont tagué les mots fermé jusqu'à la présentation d'excuses sur la porte d'entrée du bâtiment de l'UE à Gaza, qui était protégé par la police palestinienne.

    Nous proclamons le siège de l'UE fermé jusqu'à nouvel ordre et nous donnons aux gouvernements danois, français et norvégien 48 heures pour présenter des excuses, ont affirmé ces hommes armés dans un tract distribué devant les locaux fermés. Ils appellent les ressortissants français à évacuer la bande de Gaza et menacent de bombarder le siège de l'UE, les autres bureaux européens et les églises si les provocations contre l'islam se poursuivent.

    La Commission européenne a aussitôt renforcé les mesures de sécurité autour de ses bureaux à Gaza. Une porte-parole à Bruxelles, Emma Udwin, a souligné que le personnel de l'UE à Gaza travaillait pour améliorer le sort du peuple palestinien et demandé à ceux qui font des menaces de garder ça en tête. Le ministère français des Affaires étrangères a réitéré ses recommandations aux Français de ne plus se rendre dans la bande de Gaza.

    La publication le 30 septembre par le quotidien danois Jyllands-Posten de 12 caricatures du prophète Mahomet a provoqué la colère du monde musulman. Une des caricatures le montrait affublé d'un turban en forme de bombe à la mèche allumée. La religion musulmane interdit la représentation du Prophète, assimilée à de l'idolâtrie.

    Les dirigeants danois poursuivaient jeudi leurs efforts diplomatiques pour sortir de la crise. L'ambassadeur du Danemark à Paris, Niels Egelund, a été reçu "dans un but d'apaisement" par le président du Conseil français du Culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur.

    Le gouvernement de la Norvège, où un journal avait reproduit le 10 janvier les caricatures du quotidien danois, a annoncé la fermeture au public de sa représentation à Ramallah (Cisjordanie), déclarant "prendre les menaces très au sérieux".

    En France et en Belgique, plusieurs journaux, dont Le Soir, ont choisi de publier à leur tour, au nom de la liberté de la presse, des dessins et caricatures du prophète Mahomet. France-soir a publié mercredi des caricatures de Mahomet et a été interdit en Tunisie, au Maroc et n'a pas été distribué en Algérie. Le Monde a pris parti jeudi avec un dessin du Prophète occupant la moitié de la "Une" et un éditorial intitulé "Caricatures libres".

    La BBC a aussi diffusé jeudi dans ses journaux télévisés les images des caricatures, expliquant qu'elle entendait ainsi aider ses auditeurs à comprendre les sentiments violents suscités par cette histoire.

    Le ministre saoudien de l'Intérieur, le prince Nayef Ben Abdel Aziz, a souhaité que le Vatican condamne la publication de ces caricatures, affirmant que cela ne relevait pas de la liberté d'opinion.

    Le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, a estimé que la liberté de la presse doit s'exercer dans le respect des religions mais en appelant aussi à résoudre le problème par un dialogue pacifique. Le président égyptien, Hosni Moubarak, a mis en garde contre une mauvaise gestion du scandale, qui pourrait, d'après lui, profiter aux forces extrémistes et terroristes.

    En Irak, des fidèles chiites ont exprimé leur colère en piétinant des drapeaux danois dessinés dans des ruelles menant au mausolée de l'imam Ali, dans la ville sainte de Najaf.



    La Turquie et l’Autriche insistent sur le dialogue dans la crise sur les caricatures
    Publié le jeudi 9 février 2006 www.armees.com

    ANKARA, 9 février

    Le ministère turc des Affaires étrangères a déclaré jeudi que la Turquie et l’Autriche avaient convenu que le dialogue devait être encouragé pour résoudre la crise soulevée par la publication des caricatures du prophète Mahomet.

    Le ministre turc des Affaires étrangères et vice-Premier ministre, Abdullah Gül, et son homologue autrichienne, Ursula Plassnik, se sont entretenus mercredi au téléphone de la controverse sur les caricatures, a indiqué le ministère dans un communiqué.

    Désapprouvant la vague de manifestations et les attaques contre les ambassades de plusieurs pays européens dans des pays musulmans, M. Gül et Mme Plassnik ont souligné que les actes de violence montraient le manque de dialogue entre les pays occidentaux et le monde islamique.

    Le communiqué ajoute que les deux parties ont convenu que la liberté d’expression et le respect des valeurs sacrées devaient être complémentaires. Selon le communiqué, M. Gül et Mme Plassnik ont également souligné l’importance de la déclaration publiée conjointement par le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, le Secrétaire général de l’OCI Ekmeleddin Ihsanoglu et le Haut représentant pour la politique étrangère de l’UE Javier Solana pour apaiser les tensions.

    Mme Plassnik s’est réjouie du rôle actif de la Turquie pour encourager le dialogue entre l’Europe et le monde islamique, avec notamment l’initiative d’"Alliance des civilisations" proposée avec l’Espagne. Elle a offert d’organiser à Vienne une des réunion du groupe de l’Alliance et M. Gül a salué cette proposition. Les caricatures du prophète Mahomet, qui ont d’abord été publiées par le journal danois Jyllands-Poste, puis reprises par différents journaux européens, ont suscité de violentes manifestations dans le monde musulman.

    La Norvège, l’Allemagne, la France et le Canada, où les journaux ont repris les caricatures, ont condamné la publication de ces images.


    Les Russes et les Espagnols en tant qu'Européens adéquats

    10/02/2006  http://fr.rian.ru

    Par Dmitri Kossyrev, commentateur politique de RIA Novosti. Le succès patent de la visite de Vladimir Poutine en Espagne incite à penser que quelque chose se produit dans les relations de la Russie avec les Européens.

    C'est que Vladimir Poutine a établi des rapports de confiance pas uniquement avec les leaders espagnols, dont le roi et le premier ministre. Parmi les autres proches amis de Moscou en Europe on peut citer, entre autres, des pays aussi différents que l'Italie et les Pays-Bas. Sans déjà parler des rapports particuliers avec la France et, surtout, avec l'Allemagne (les relations avec cette dernière n'ont pas changé malgré le changement récent des chanceliers).

    Dans le même temps, les sources informées à Moscou disent que dans la quasi totalité des structures européennes, en premier lieu au siège de l'Union européenne à Bruxelles, on ignore comment se comporter avec la Russie et, chose essentielle, on rechigne à entreprendre quoi que ce soit. On se demande vraiment comment un tout peut se différencier aussi fortement de ses éléments essentiels.

    Le problème, c'est que l'"Européen commun" s'est engagé dans une impasse en décidant, dans un premier temps, que la Russie intégrerait l'Europe sur la base des valeurs et des standards européens, pour ensuite s'apercevoir que la Russie avait ses propres standards et sa manière à elle d'évaluer les situations et qu'il en serait toujours ainsi. Et que la Russie veut non pas "rallier", mais parler sur un pied d'égalité. Sans pour autant faire part ouvertement de ce qu'elle pense de ce qui se passe en Ukraine ou en Ouzbékistan, par exemple.

    A Madrid (ou la veille de Madrid) Vladimir Poutine s'est prononcé sur des questions européennes palpitantes, à savoir la liberté d'expression, surtout celle de dessiner des caricatures de prophètes de religions étrangères, et il l'a fait sans ambiguïté aucune. Il a dit qu'il fallait cent fois réfléchir avant de faire des choses de ce genre. A Madrid il a aussi exposé ce qu'il pensait de l'idée espagnole de l'"alliance des civilisations", une réponse de Madrid à un lointain appel de l'ancien président iranien au "dialogue des civilisations". Dans la capitale espagnole il a déclaré qu'il voudrait bien inviter à Moscou le mouvement Hamas, récent vainqueur des élections en Palestine et que les Etats-Unis et l'Union européenne qualifient de terroriste. Dans l'histoire des caricatures, dans la situation qui se dégrade autour du supposé programme nucléaire de l'Iran et aussi en ce qui concerne la situation en Palestine, la position de Moscou s'est avérée des plus neutres. Ce qui n'est pas du tout le cas de celle de Europe. Madrid lui aussi recherche la voie de la neutralité. On peut même comparer l'impasse idéologique dans laquelle l'Europe s'est engagée dans ses rapports avec la Russie, et l'impasse dans laquelle les Européens, l'Occident en général, ont engagé leurs relations avec le monde musulman. Dans les deux cas on distingue parmi les raisons la propension de l'"Occidental commun" à se considérer comme l'étalon des valeurs civilisées et le refus bien compréhensible de tous les autres d'accepter cette chose. Seulement deux impasses c'est beaucoup trop pour l'UE. Et en tentant de surmonter cette situation au cours des pourparlers avec Vladimir Poutine, les dirigeants espagnols ont rendu un bon service à tout le monde, y compris à eux-mêmes.

    On peut dire qu'au cours de la visite du président russe à Madrid les deux pays situés aux antipodes de l'Europe se sont employés à établir un calendrier d'actions conjointes qui leur seraient bénéfiques à eux et à l'ensemble des Européens.

    Rappelons que le protocole - et le sens - des visites d'Etat suppose des entretiens portant sur les relations bilatérales et aussi sur la coopération à long terme des deux peuples.

    Aussi dans l'allocution qu'il a prononcée lors de la cérémonie d'accueil de Vladimir Poutine, le roi d'Espagne Juan Carlos a déclaré que son pays était convaincu qu'il était primordial de soutenir les rapports stratégiques futurs de la Russie et de l'UE; qu'en qualité d'acteur important sur la scène internationale et de présidente cette année au sein du G8 la Russie pourrait faire un apport décisif dans la recherche des solutions aux problèmes mondiaux clés.

    Derrière ces paroles on devine les tentatives de Moscou et de Madrid de s'entraider. L'Espagne a besoin d'un concours pour intégrer le G8. En ce qui concerne la Russie, il lui faut une assistance pour établir des rapports normaux avec l'UE et avec l'Europe en tant que civilisation.

    Enfin, les deux parties sont résolues à briser le cadre figé des rapports commerciaux existants (selon le schéma hydrocarbures en échange de vin et d'olives) et à engager la discussion sur des projets d'investissements, sur la coopération spatiale et d'autres thèmes nouveaux.

    Il faudra bien évidemment revenir à maintes reprises sur les questions techniques de la coopération future. Au terme de cette visite d'Etat, on est enclin à se poser la question: pourquoi précisément la Russie et l'Espagne, territorialement séparées par le reste de l'Europe, établissent-elles d'aussi bons contacts? Ne serait-ce pas parce que ces deux Européens évidents ont des rapports particuliers avec une bonne partie du monde non-européen? L'Amérique latine pour l'Espagne, l'Asie centrale et autre pour la Russie. Dans les deux cas l'expérience de ces relations est assez complexe, néanmoins elle pourrait parfaitement servir de potentiel aux deux pays dans la recherche des voies conduisant à l'"alliance des civilisations".


    XINHUA - Péking,China

    La Turquie et l'Autriche insistent sur le dialogue dans la crise sur les caricatures

    2006-02-10 www.french.xinhuanet.com

    ANKARA, 9 février (XINHUANET) -- Le ministère turc des Affaires  étrangères a déclaré jeudi que la Turquie et l'Autriche avaient  convenu que le dialogue devait être encouragé pour résoudre la  crise soulevée par la publication des caricatures du prophète  Mahomet. 

         Le ministre turc des Affaires étrangères et vice-Premier  ministre, Abdullah Gül, et son homologue autrichienne, Ursula  Plassnik, se sont entretenus mercredi au téléphone de la  controverse sur les caricatures, a indiqué le ministère dans un  communiqué. 

         Désapprouvant la vague de manifestations et les attaques contre les ambassades de plusieurs pays européens dans des pays musulmans, M. Gül et Mme Plassnik ont souligné que les actes de violence  montraient le manque de dialogue entre les pays occidentaux et le  monde islamique. 

         Le communiqué ajoute que les deux parties ont convenu que la  liberté d'expression et le respect des valeurs sacrées devaient  être complémentaires. 

         Selon le communiqué, M. Gül et Mme Plassnik ont également  souligné l'importance de la déclaration publiée conjointement par  le Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, le Secrétaire général  de l'OCI Ekmeleddin Ihsanoglu et le Haut représentant pour la  politique étrangère de l'UE Javier Solana pour apaiser les  tensions. 

         Mme Plassnik s'est réjouie du rôle actif de la Turquie pour  encourager le dialogue entre l'Europe et le monde islamique, avec  notamment l'initiative d'"Alliance des civilisations" proposée  avec l'Espagne. 

         Elle a offert d'organiser à Vienne une des réunion du groupe de l'Alliance et M. Gül a salué cette proposition. 

         Les caricatures du prophète Mahomet, qui ont d'abord été  publiées par le journal danois Jyllands-Poste, puis reprises par  différents journaux européens, ont suscité de violentes  manifestations dans le monde musulman. 

         La Norvège, l'Allemagne, la France et le Canada, où les  journaux ont repris les caricatures, ont condamné la publication  de ces images. Fin  


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